[Edit du 9 juin 2023] Le 27 juin, venez parler de l’affaire Apple avec HOP

Le mardi 27 juin, HOP organise l’Apér’HOP #2 « Comment une asso peut-elle triompher d’une multinationale ? » chez Novaxia (Paris 15) pour discuter avec l’UFC-Que Choisir et Zero Waste France du levier d’action que représentent les affaires juridiques pour les associations et des solutions à la disposition des consommateurs pour faire respecter leurs droits. Cet événement sera l’occasion de revenir sur l’affaire Apple, mais aussi de partager un verre avec les intervenants, les bénévoles et les salariés de HOP pour prolonger la discussion. L’inscription est gratuite, mais recommandée.

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Le 19 août 2015 est un jour à marquer d’une croix blanche pour les défenseurs de l’environnement et des droits du consommateur : le délit d’obsolescence programmée est officiellement adopté par la loi. La France s’érige alors comme le premier pays à interdire cette pratique nuisible. Près de 8 ans plus tard, de nouvelles mesures et plusieurs plaintes, où en est-on ? Tour d’horizon des victoires, leçons et espoirs en 6 dates-clés.

17 septembre 2017 : première plainte mondiale en obsolescence programmée

Avec seulement 2 ans au compteur, l’association HOP dépose sa première plainte en obsolescence programmée. C’est une première mondiale. Dans sa plainte, la jeune association vise plusieurs fabricants d’imprimantes en s’appuyant sur son rapport d’enquête “Imprimantes : cas d’école d’obsolescence programmée ?” et sur de nombreux témoignages. Elle met en cause des pratiques telles que des cartouches affichées vides alors qu’elles contiennent encore 20 à 40 % d’encre, le refus d’impression en noir quand une cartouche couleur est vide ou encore des tampons absorbeurs d’encre faussement indiqués en fin de vie.

En décembre de cette même année, le Procureur de la République ouvre une enquête préliminaire visant Epson pour obsolescence programmée et tromperie. Pourtant, à l’heure actuelle, encore aucune décision n’a été rendue.

Une imprimante Epson

En 2017, HOP dépose la première plainte mondiale en obsolescence programmée (©FilterGrade)

HOP regrette les moyens limités dont dispose la Justice française et est solidaire de l’appel récent lancé par les magistrats de la Justice environnementale.

Premier apprentissage donc : les rouages de la Justice sont lents alors même que les consommables continuent d’inonder le marché (depuis le dépôt de plainte, on peut estimer qu’environ 430 millions de cartouches d’encre ont été vendues en France). Même la Commission Européenne doute des excuses des fabricants. Face aux témoignages à charge qui s’accumulent, HOP reprend son enquête sur le secteur des imprimantes en avril 2022 et lance un appel à témoignages.

7 février 2020 : première enquête menée à terme suite à une plainte en obsolescence programmée

Après plus de 2 ans d’attente, la nouvelle tombe : la DGCCRF, la “police des consommateurs”, s’accorde avec Apple pour clore l’enquête contre le paiement d’une amende record de 25 millions d’euros. Aux prémisses de cette condamnation, une plainte déposée par HOP en décembre 2017 suite aux ralentissements des iPhone 6, 6S, SE et 7 après une mise à jour du système d’exploitation iOS. L’association a reçu plus de 15 000 témoignages d’utilisateurs. C’est le fameux “battery gate” qui frappera également dans d’autres pays européens comme l’Italie (10 millions d’euros d’amende) mais aussi en Amérique du Nord et du Sud. Aux Etats-Unis, Apple a accepté de payer entre 310 à 500 millions de dollars de dédommagement pour mettre fin aux poursuites judiciaires.

Une main tient un iPhone allumé

Suite à la plainte de HOP, Apple paie une amende record de 25 millions d’euros (©Bagus Hernawan)

Si la condamnation française est une première victoire, HOP regrette néanmoins que la procédure employée, à savoir la transaction pénale, ait privé les consommateurs d’un procès public. De plus, la DGCCRF a préféré retenir le délit de pratiques commerciales trompeuses par omission, plutôt que celui d’obsolescence programmée.

Deuxième apprentissage : le délit d’obsolescence programmée serait-il trop complexe dans son expression ?

A l’époque, la définition de ce délit est particulièrement exigeante puisqu’il faut que trois éléments matériels soient réunis pour caractériser l’infraction : le recours à des techniques, la réduction délibérée de la durée de vie du produit et la volonté d’en augmenter le taux de remplacement. Apporter des preuves suffisamment solides sur ces 3 éléments est donc très ardu, voire impossible, notamment en ce qui concerne la volonté du fabricant d’augmenter le taux de remplacement du produit. D’où sans doute la possible frilosité des autorités à fonder leur décision sur le délit d’obsolescence programmée dans cette affaire.

Un paradoxe alors que l’obsolescence programmée est rentrée de plein fouet dans le débat sur notre modèle de société, et que tout un chacun est conscient de son double impact sur le pouvoir d’achat et sur l’environnement.

22 septembre 2020 : l’UFC-Que Choisir vise Nintendo en obsolescence programmée

Nouvelle affaire, nouveaux retentissements. En septembre 2020, l’UFC-Que choisir porte plainte contre Nintendo pour l’obsolescence programmée de ses manettes Switch. Par cette plainte, le combat contre l’obsolescence programmée gagne en envergure et se diffuse à de nouveaux publics.

En janvier 2021, l’UFC saisit la Commission européenne sur ce sujet, aux côtés du BEUC (Bureau européen des Unions de Consommateurs) et obtient en avril 2023 une victoire décisive : toute manette défectueuse sera réparée gratuitement par Nintendo, peu importe la date d’achat ou le modèle.

2 novembre 2021 : une nouvelle définition pour le délit d’obsolescence programmée et des délits spécifiques

Grâce aux actions de plaidoyer de HOP, la loi sur l’empreinte environnementale du numérique permet d’obtenir une simplification du délit d’obsolescence programmée. En l’état, cette définition légale risquait en effet de rester lettre morte. Désormais, l’obsolescence programmée est définie comme le “recours à des techniques, y compris logicielles, par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie” (article L. 441-2 du code de la consommation). Notons que cette nouvelle définition cite directement l’obsolescence logicielle.

Un marteau de la justice sur une table en marbre

La loi sur l’empreinte environnementale du numérique simplifie la définition du délit d’obsolescence (©Wesley Tingey)

Comme souvent, le diable se cache dans les détails. Simplifier la définition du délit d’obsolescence programmée, en retirant notamment la mention “pour en augmenter le taux de remplacement”, c’est donner les moyens à la société civile et au pouvoir judiciaire de lutter plus efficacement contre des pratiques délétères pour l’environnement et les droits des consommateurs.

Cette nouvelle définition permettra-t-elle d’agir efficacement ? Le délit jouera-t-il pleinement son potentiel de transformation ? L’espoir est permis.

7 décembre 2022 : quatrième plainte en obsolescence programmée et première en irréparabilité

Alertée sur la sérialisation, HOP porte plainte de nouveau contre la marque à la pomme en décembre 2022. Dans le viseur de l’association, la sérialisation (ou “appariement”), une pratique qui consiste à associer les numéros de série des pièces détachées à celui d’un smartphone, via notamment des micro-puces, donnant par exemple la possibilité au fabricant de restreindre la réparation pour les réparateurs non-agréés.

Cette plainte est l’occasion pour HOP de mobiliser les nouveaux délits obtenus ces dernières années contre l’obsolescence programmée et l’irréparabilité. L’enjeu est de démontrer le caractère délictuel des pratiques de sérialisation et d’empêcher leur multiplication.

La France condamnera-t-elle – une première mondiale – pour obsolescence programmée ? Le Procureur de la République a ouvert l’enquête.

11 mai 2023 : vers une interdiction de l’obsolescence dans toute l’Europe ?

Le 11 mai 2023, c’est un vote historique qui se joue au Parlement européen. 544 députés votent alors en faveur de nouvelles règles pour améliorer la durabilité des produits (18 contre et 17 s’abstiennent), sur la base d’un texte proposé par la Commission . Le Parlement souhaite aller plus loin, en durcissant la lutte contre le greenwashing et en instaurant un label obligatoire de durabilité. Surtout, il veut interdire l’obsolescence programmée en rendant illégales dès la conception d’un produit les caractéristiques qui limitent sa durabilité ou entraînent un dysfonctionnement prématuré.

Bâtiment du Parlement européen

L’Europe sera-t-elle le premier continent à interdire l’obsolescence programmée ? (©Guillaume Périgois)

Le texte doit maintenant passer devant le Conseil de l’Union européenne composé des 27 Etats membres. S’il est validé, il pourrait donc ouvrir la voie à une interdiction de l’obsolescence programmée dans toute l’Union européenne. 450 millions de consommateurs seraient alors concernés, ce qui renforcerait considérablement la pression exercée sur les fabricants.

Et maintenant, où va-t-on ?

Les motifs d’espoir sont nombreux. En 7 ans, l’obsolescence programmée s’est fait une place de choix dans le débat écologique. Lors du Grand Débat, par exemple, l’allongement de la durée de vie des produits a été la mesure la plus plébiscitée par les citoyens pour répondre aux problèmes environnementaux en changeant les modes de consommation.

Dans le même temps, on observe une grande vivacité au niveau réglementaire avec l’adoption des indices de réparabilité et de durabilité, du bonus réparation ou encore de durées minimales de disponibilité des pièces détachées. Autour de l’obsolescence programmée, c’est tout un mécanisme en faveur de l’allongement de la durée de vie des produits qui se met en place.

Audacieuse, la bataille se joue aujourd’hui à l’échelle européenne où de nouvelles normes voient le jour comme celle sur le repair score européen. L’Union européenne ira-t-elle plus loin dans la lutte contre l’obsolescence programmée ? Ce combat n’a pas fini de faire des émules, y compris sur les autres continents.

L’obsolescence de nos désirs est-elle l’ultime frontière ? Le débat sur l’obsolescence culturelle et la régulation de la publicité progresse tandis que HOP et ses alliés obtiennent des victoires devant l’ARPP (l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité).

Bien loin d’être désincarné, le délit d’obsolescence programmée a entraîné dans son sillage toute une série de réflexions et de victoires pour la durabilité et l’économie circulaire. Quant à l’engrenage infernal d’une société de surconsommation arrivée à bout de souffle, l’issue des plaintes en cours nous dira si le délit et ses petits-frères ont su y mettre un grain de sable salutaire.

Alors l’obsolescence programmée, c’est dans la poubelle jaune ou dans la poubelle verte ?

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