Cet article a été écrit dans le cadre de la « Quinzaine de la Mode jetable » de HOP. Retrouvez tous les autres articles par ici.

Comme tout secteur, la mode a son jargon. Aux antipodes du discours commercial léché sous lequel elle se présente, les pratiques qu’elle dissimule sont souvent flagrantes de nocivité. Petite sélection en 10 mots des procédés scandaleux qui règnent au sein de la mode non durable.

1. Greenwashing (ou écoblanchiment)

On commence tout en douceur avec ce mot entré depuis quelques années dans notre vocabulaire de simple consommateur. Défini comme “une technique de marketing utilisée par une organisation dans le but de se donner une image écologique trompeuse”, le greenwashing tente de masquer une grossière tentative des marques de s’acheter une image environnementale. En France, l’ADEME et l’ARPP (l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité) ont un rôle de vigie sur ces pratiques.

Pour débusquer le greenwashing, on vous conseille la méthode du média The Conscious Lifestyle dite des 7 péchés du Greenwashing” qui consiste à repérer ces indices :

  1. une mesure réductrice de la durabilité, avec par exemple la mise en avant de l’éco-conception d’une pièce parce que faite en tissu recyclable, quand bien même elle est surproduite et vendue pour un prix dérisoire,
  2. le manque de preuve tangible,
  3. le caractère évasif des propos,
  4. le caractère non pertinent de l’information présentée,
  5. le fait que la marque se targue d’être moins pire que ses concurrentes comme seul argument pour la durabilité,
  6. le caractère mensonger des propos,
  7. et l’utilisation de labels environnementaux douteux pour assurer ses arrières.

2. Décharges sauvages

Bien souvent synonymes de “fin de vie” du vêtement, les décharges sauvages constituent une étape à part entière dans la galaxie de la mode jetable. Trouvant leur source dans des filières de recyclage locales plus que limitées, elles sont un moyen rentable pour les sociétés occidentales de se débarrasser de vêtements passés de mode ou en trop mauvais état. Ils finissent alors entassés sous forme de montagnes de déchets toxiques, par exemple au Kenya ou dans le désert d’Atacama.

Une décharge sauvage

Les décharges sauvages constituent une étape à part entière dans la galaxie de la mode jetable (©Md Mudassir Hossain)

La pratique est un scandale éthique sur toute la ligne puisque la dégradation des textiles de très mauvaise qualité implique une contamination des sols et des nappes phréatiques, et une mise en péril des travailleurs chargés de traiter les déchets dans des conditions précaires.

3. Destruction des invendus

Quand elle n’a pas la chance de finir entassée, votre pièce textile peut voir sa durée de vie soudainement raccourcie par sa destruction volontaire. Le plus souvent brûlés ou lacérés dans de grandes bennes à l’abri des regards indiscrets, la destruction des invendus permet de garder artificiellement la rareté de l’objet pour maintenir un prix élevé.

Cette pratique qui faisait régulièrement la une des journaux, tant pour les grandes marques de luxe que les enseignes moyen et bas de gamme, est interdite en France depuis 2022 par la loi sur l’économie circulaire et la lutte contre le gaspillage. Elle est toujours pratiquée ailleurs dans le monde, notamment aux Etat-Unis.

4. Réassort

Le propre de la fast-fashion est de vendre toujours plus en proposant de nouvelles collections toutes les semaines. Ce n’est pas moins de 3000 articles que Shein peut ajouter chaque jour à son site pour susciter l’addiction et l’euphorie de la nouveauté. Ce rythme effréné impacte le processus de création en le raccourcissant et empêche une réelle éco-conception planifiée du produit.

5. Influence

Les stratégies d’influence sont nombreuses pour pouvoir écouler les stocks. Pour vous faire dépenser, la tendance est aux influenceurs sur les réseaux sociaux. Les budgets sont colossaux : Nike alloue un plus gros budget au marketing que pour payer ses employés.

Si la pub est partout mais que vous souhaitez opter pour une consommation raisonnée, gardez en tête la méthode BISOU de Marie Duboin et Herveline Verdeken.

B comme Besoin : à quel besoin cet achat va-t-il répondre ?
I comme Immédiat : en ai-je besoin immédiatement ?
S comme Semblable : n’aurais-je pas déjà chez moi un objet similaire ou qui peut remplir la même fonction ?
O comme Origine : quelle est l’origine de ce produit ?
U comme Utile : cet objet va-t-il m’être utile sur le long terme ?

6. Seconde main

Le marché de la seconde main est en plein boom. Si l’allongement de la durée de vie d’un produit est une excellente nouvelle, certaines pratiques peuvent être pernicieuses.

2 personnes dans une friperie

Le marché de la seconde main est en plein boom (©Julia M Cameron)

Comme l’illustre la récente campagne Emmaüs, les plateformes de seconde main en ligne ont tendance à assécher les filières de dons.

De plus, à cause de l’effet rebond, le bénéfice environnemental d’une pièce d’occasion peut être perdu si l’on retombe dans des schémas d’achats compulsifs. En effet, en achetant plus de vêtements grâce à un prix réduit, on multiplie les achats sans s’extraire des logiques de surconsommation (et de surproduction).

7. Importation

En 2020, la France a importé 10 milliards de vêtements pour 4 milliards d’exportations.

Loin d’être chauvins, l’importation de vêtements est surtout problématique vis-à-vis des contournements des standards éthiques et sociétaux de production. Ne pas produire en France permet de faire l’impasse sur des salaires décents, des conditions de travail dignes ainsi que de garder une certaine opacité sur le processus de production. Tout n’est pas à jeter dans les vêtements conçus en dehors des frontières européennes, mais restons vigilants.

8. Empreinte carbone

L’industrie de la mode est souvent désignée comme l’une des plus polluantes au monde. Deux éléments sont responsables de cette empreinte carbone si élevée : la matière première utilisée et le mix énergétique permettant sa production. Si vous souhaitez vous faire une idée du CO2 émis par vos vêtements, vous pouvez vous référer à ce simulateur.

Rouleaux de textile dans une usine

L’industrie textile est l’une des plus polluantes au monde (©Pixabay)

9. Matière Synthétique

C’est la matière phare de la fast-fashion. Avec ces possibles 200 années de dégradation dans l’environnement, elle est une petite bombe environnementale à bas prix. Provenant d’hydrocarbures, gardant la transpiration, polluant les sols, rejetant les microplastiques, elle a décidément tout pour plaire. Elle restent néanmoins difficiles à éviter complètement, notamment pour certaines filières, telles que celles du sport ou de l’habillement de protection des professionnels.

10. Fast-fashion

Attention à ne pas vous laisser berner par une traduction hâtive de “mode rapide”. On parle bien de mode éphémère ou mode jetable. Car sa finalité n’est pas tant la rapidité de sa production – qui est une de ses caractéristiques – que celle de consommer à tout va et de se débarrasser au plus vite de la pièce achetée. À peine consommé, déjà jeté. Comble de l’absurde ? Le terme semble être déjà obsolète puisque l’ultra-fast-fashion talonne aujourd’hui la fast-fashion. Est-ce qu’il ne serait pas temps de ralentir ?

 

On vous a bien déprimé ? On vous promet, il existe des solutions ! Location ou upcycling de vos pièces préférées, affichage environnemental de la durabilité des textiles… Il existe toute une galaxie d’initiatives vertueuses qui n’attendent qu’à être découvertes et partagées. C’est ce que nous avons décidé d’explorer avec notre Quinzaine de la Mode jetable.

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