Cet article sur la mode circulaire a été écrit dans le cadre de la « Quinzaine de la Mode jetable » de HOP. Retrouvez tous les autres articles par ici.

L’industrie textile fait partie des plus polluantes au monde puisqu’elle émettrait 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Face à ce constat, le modèle économique linéaire, dont est issue la fast-fashion, est remis en cause et l’économie circulaire se développe. En parallèle, de nouveaux business models plus soutenables émergent.

La différence entre le modèle linéaire et le modèle circulaire

L’économie linéaire est la plus répandue dans le monde. Elle prend la forme d’un schéma précis : “extraire, fabriquer, consommer, jeter”. Basée sur la surproduction, ce fonctionnement implique une exploitation intensive des ressources naturelles pour fabriquer des produits, qui deviennent des déchets après leur consommation.

Face aux limites de ce système, l’économie circulaire se développe.

L’économie circulaire est un système d’échange et de production qui prend la forme d’une boucle, en réutilisant ou recyclant de façon systématique les déchets. Ce modèle durable vise à limiter la consommation et le gaspillage des ressources ainsi qu’à réduire les émissions de gaz à effet de serre. En d’autres termes, il s’agit de faire face à la culture du jetable, allonger la durée de vie des produits et réduire les déchets.

Voici 4 business models qui s’inspirent de l’économie circulaire pour plus de durabilité dans le textile.

Boutique de vêtements

En plein dans l’économie circulaire, la fast-fashion a un impact environnemental considérable (©Prudence Earl)

1. La seconde main

La seconde main est probablement l’une des alternatives les plus connues à l’économie linéaire. Elle consiste en la revente de vêtements déjà utilisés mais encore en état pour être portés. Deux types d’entreprises peuvent bénéficier de ce modèle : les détaillants récupérant leurs produits vendus une première fois et les entreprises ou associations collectant des produits.

Il s’agit d’un mode de consommation qui s’est fortement développé ces dernières années. On estime aujourd’hui le volume de transactions à 7 Milliards d’euros en France pour ce marché.

Les célèbres plateformes Vinted ou Vestiaire Collective ont rendu populaire la vente entre particuliers. En France, 74% des acheteurs en ligne déclarent avoir le réflexe de vérifier si le produit n’existe pas en seconde main avant de l’acheter neuf.
Bien que très appréciée par les consommateurs, le développement de cette pratique fait débat.

Par leur succès, les services de seconde main digitalisés ont un certain impact environnemental causé par le transport des produits textiles. On observe également des conséquences sur les structures de l’ESS (Economie Sociale et Solidaire), qui collectent des vêtements, comme Emmaüs. Celles-ci voient la qualité des dons diminuer car les donateurs privilégient de plus en plus la revente pour leurs habits en bon état et apportent à ces structures ceux qui sont plus abîmés.

Certaines marques proposent un service de seconde main tout en restant dans une logique de surconsommation. C’est le cas des entreprises qui offrent un bon de réduction à chaque dépôt de vêtements pour inciter à l’achat dans leur enseigne, ce qui leur permet de vendre un produit deux fois.
Ces pratiques viennent en contradiction aux principes de seconde main et de l’économie circulaire qui doivent avant tout mener à une réduction globale de la production et de la consommation.

La seconde main peut parfois participer malgré elle à la surconsommation : en offrant la possibilité aux personnes de remplacer plus rapidement leurs vêtements, grâce à des coûts plus faibles, elle n’échappe pas forcément aux réflexes d’accumulation et peut même booster la demande en biens neufs (puisqu’il faut bien alimenter le marché). Si on accumule un nombre de produits identiques même de seconde main, le gain risque d’être nul. C’est le fameux “effet rebond”.

2. La location

La location est encore peu répandue en France et on y a davantage recours pour de grandes occasions, comme un mariage, une remise de diplôme ou des vacances au ski. Aujourd’hui, seuls 13% des Français auraient recours à des services de location pour le textile. Cependant, le marché de la location de vêtements en ligne devrait connaître une croissance à un taux annuel de 10,60% de 2022 à 2029.

Ces dernières années, plusieurs marques se sont lancées dans l’aventure, soit en proposant la location occasionnelle de leurs vêtements (c’est le cas de marques haut-de-gamme comme Sandro ou Maje par exemple), soit en élaborant une offre sous forme d’abonnement ou de boxes (comme l’ont fait Décathlon ou Petit Bateau).
En dehors des enseignes déjà installées, plusieurs sites dédiés à la location apparaissent, avec pour pionnier du secteur Rent the Runway, comptabilisant 750 marques de créateurs partenaires.

A priori, c’est un business model qui favorise l’allongement de la durée d’utilisation d’un vêtement : au lieu d’acheter une pièce qu’on portera qu’une poignée de fois, puis de la laisser croupir dans son armoire, celle-ci passe de foyer en foyer allégeant au passage le budget du consommateur.

Cependant, la vigilance est de mise : les prix de la location étant relativement bas, le risque est de consommer davantage. Or, les conséquences sur l’environnement ne sont pas en reste. Entre transport, emballages à foison et nettoyage à sec entre chaque consommateur, l’impact environnemental n’est pas neutre. D’après une étude publiée par la revue scientifique finlandaise Environmental Research Letters, la location de vêtements émet l’équivalent de 40kg de CO2, contre 35 kg de CO2 pour la production classique d’un vêtement. Un résultat qui est en partie dû au transport.

Vêtement dans un carton

La location de vêtements émet plus de CO2 que la production classique d’un vêtement (© Cottonbro Studio)

La location est donc une bonne solution pour éviter l’achat d’un vêtement qu’on n’utilisera qu’une fois, mais ce n’est pas une alternative très durable dès lors qu’on s’en sert pour renouveler chaque mois notre garde-robe.

3. L’upcycling

L’upcycling (ou “recyclage par le haut”) consiste à récupérer des produits ou matériaux qui ne sont plus utilisés pour les transformer et leur donner une valeur supérieure. Votre grand-mère a certainement de jolis draps fleuris qui ont fait leur temps : vous pouvez tout simplement les transformer en vêtements avec de bons ciseaux et une machine à coudre.

L’upcycling n’est pas à confondre avec le recyclage qui implique la destruction des déchets afin de créer quelque chose de nouveau.

Le concept d’upcycling prend place également dans la mode. Plusieurs créateurs de vêtements de luxe se sont emparés de ce modèle, comme la créatrice Marine Serre. Progressivement, les petites marques sont de plus en plus mises en avant sur des plateformes en ligne comme Reiner Upcycling ou même sur Instagram. La mode upcyclée offre une créativité et une possibilité de personnalisation du vêtement sans limite.

En Europe, 4 millions de tonnes de textiles sont jetées par an et les stocks dormants représentent 12% de la production de textile globale annuelle. L’upcycling pourrait donc apporter une solution face au gaspillage textile.

La mode upcyclée n’en est encore qu’à ses prémisses et très peu d’acteurs du textile y ont recours pour l’instant. Elle est si récente que nous manquons encore d’études pour évaluer ses impacts et son potentiel. Le passage à l’échelle en termes de production reste encore difficile. Néanmoins, on observe une vraie transformation de l’écosystème avec une multiplication des acteurs.

Certaines marques mainstream, et notamment de fast-fashion, tentent de s’emparer de l’upcycling pour surfer sur la vague sans pour autant remettre en question leur système de production. Là encore, restons prudents : l’upcycling ne doit pas servir à justifier les invendus et les stocks de vêtements oubliés.

mains qui découpent du tissu

L’upcylcing permet d’éviter le gaspillage textile tout en créativité (© Cottonbro Studio)

4. Le recyclage

Le recyclage est un processus qui consiste à transformer des déchets en nouveaux produits utiles. Cette pratique a pour objectif de réduire les déchets et les émissions de gaz à effet de serre, de préserver les ressources naturelles et d’assurer une production durable.

Bien que le recyclage soit un élément essentiel à la mise en œuvre des principes de l’économie circulaire, il est considéré comme le dernier choix parmi les 3R (réduire, réutiliser, recycler). Ses différents procédés demandent beaucoup d’énergie et ont diverses conséquences sur l’environnement. Le recyclage doit être la solution de dernier recours, quand toutes les autres options pour allonger la durée de vie des pièces textiles (réemploi, réparation, customisation…) ont été épuisées.

Seuls 12 % des 2,6 milliards d’articles de mode mis en vente chaque année en France sont transformés pour être recyclés. Le textile recyclé ne représente aujourd’hui qu’environ 1 % du flux de matières textiles utilisées dans la production de vêtement, le reste est transformé en matériaux d’isolation, en rembourrages de matelas…

L’Union Européenne a adopté une obligation pour la collecte séparée des déchets textiles d’ici 2025, ce qui devrait faciliter et renforcer la filière du recyclage.

Des alternatives… et des limites

Vous l’aurez compris, si tous ces modèles représentent de réelles alternatives au fléau de la mode jetable, ils ne feront pas de miracles à eux tous seuls. Si l’on ne s’extrait pas des logiques de surproduction et de renouvellement accéléré de nos vêtements, les dérives risquent d’être les mêmes que pour la fast-fashion. Un seul mot d’ordre : ralentir.

Alors prenons le temps de regarder ce qu’il y a déjà dans nos placards, de réfléchir à nos besoins, de décortiquer les étiquettes, de promouvoir les marques durables ou encore de bichonner nos vêtements fétiches. Sur Produits Durables, vous pouvez retrouver tous nos conseils pour acheter des vêtements durables et pour en prendre soin.

Aller plus loin

 

Cet article a été écrit dans le cadre de la Quinzaine de la Mode jetable de HOP. Il a été rendu possible grâce aux recherches des étudiants ayant participé au programme Alter’Action à l’automne 2022.

 

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