L’année 2020 marque en Europe le début du déploiement de la cinquième génération de réseaux mobiles (5G), commercialisée pour la première fois en Corée du Sud au printemps 2019. Elle démarrera par des expérimentations dans plusieurs villes, avant d’être généralisée dans les prochaines années.
La mise en place progressive de la 5G a longtemps fait peu de bruit en France. Pourtant, alors que plusieurs ONG alertent sur ses impacts potentiels sur la santé et l’environnement, de plus en plus de débats ont lieu autour de cette technologie.

Vers davantage de connectivité et une meilleure performance énergétique

Cette nouvelle technologie promet des avancées multiples pour ouvrir la société au numérique, comme l’a analysé l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en 2017. Il sera donc non seulement possible de télécharger un film en ultra haut débit en quelques secondes sur son smartphone, mais aussi d’améliorer les processus industriels et d’introduire les objets connectés dans différentes sphères de l’économie, qu’il s’agisse du transport, de la médecine, ou encore de l’énergie.

La technologie employée pour la 5G, MIMO massif, utilise des bandes millimétriques, des “antennes actives” et des “small cells” qui permettent un excellent débit, mais également une diminution de la consommation énergétique grâce à leur usage ciblé des équipements.
La technologie promise assurerait donc une distribution plus efficace et réactive, tout en s’adaptant à chaque secteur et en permettant le développement de l’Internet des objets.

Quels impacts sur nos produits et sur la pollution numérique ?

Malgré une meilleure efficacité énergétique, le déploiement de cette nouvelle technologie ne sera pas sans impact sur l’environnement. La pollution numérique pourrait bien se retrouver multipliée par le phénomène des “effets rebond” : les gains écologiques permis par une nouvelle technologie sont compensés par l’augmentation forte du recours à cette technologie, et l’impact est finalement plus fort en valeur absolue. Le numérique représente actuellement environ 4 % des émissions de gaz à effets de serre mondiales, soit davantage que le secteur aérien. C’est pourquoi le collectif Green IT prône une sobriété numérique dans laquelle on produirait moins d’équipements qui fonctionneraient plus longtemps, leur production étant encore largement plus énergivore que leur utilisation.

Qu’en est-il de nos appareils actuels ? La 5G n’est pas compatible directement avec nos smartphones, voitures ou autres équipements électriques et électroniques. C’est aussi le cas des infrastructures des réseaux : dans un premier temps, les antennes 4G vont être adaptées aux nouveaux réseaux, mais un fonctionnement plénier de la 5G suppose l’installation en France de 5 000 nouvelles antennes technologiques MIMO. Outre le coût que cela représente, le développement de tous ces supports émetteurs et récepteurs implique une augmentation de l’extraction des ressources (minerais, métaux, terres rares) nécessaires à la fabrication de ces équipements.

Alors que seulement 15 % des téléphones en fin de vie sont collectés pour être recyclés, l’arrivée de la 5G va nous inciter à renouveler prématurément des équipements en état de marche. Le phénomène d’obsolescence esthétique porté par la publicité risque d’encourager ces nouvelles acquisitions, dans un pays où chaque foyer dispose déjà d’en moyenne 99 équipements électriques et électroniques. Il est aussi essentiel, en tant que consommateur, de s’interroger sur ses besoins en termes de technologies avant de renouveler ses produits.

Plusieurs associations et collectifs appellent à la vigilance

Les débats autour de la 5G dépassent les seules problématiques environnementales. Elles questionnent en effet notre mode de vie, et le futur que nous souhaitons pour nos sociétés dans un contexte de prise en considération croissante des impacts du numérique sur nos vies. Dans une tribune parue en décembre dernier, Samuel Sauvage, président de HOP, et Yves Marry, délégué général de Lève les yeux, mettent en garde contre l’épuisement de l’attention du cerveau humain baigné au quotidien dans des écrans, et les conséquences des nouvelles technologies sur le vivre-ensemble. La convention citoyenne sur le climat, qui vient de remettre son rapport au Gouvernement, questionne l’utilité de cette avancée. Elle propose “d’évaluer les avantages et les inconvénients de la 5G par rapport à la fibre avant et non après avoir accordé les licences pour son développement” et “d’instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat”.

Car au-delà des considérations éthiques, les impacts de ces ondes sur le corps humain comportent une très large part de flou. Des scientifiques de 170 pays ont signé une lettre ouverte en 2017 demandant un moratoire d’urgence pour étudier les effets potentiellement néfastes de cette technologie. Une coalition anti-5G de plusieurs organisations appelle également à la précaution. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) doit rendre un rapport en 2021 sur l’exposition de la population aux champs électromagnétiques de la 5G et ses effets sur la santé.

Progrès technologique vs sobriété numérique : une fuite en avant ?

Le débat sur la 5G cristallise ainsi un conflit difficile à trancher : comment préserver notre environnement et respecter les engagements de l’Accord de Paris dans cette continuelle course au progrès technologique ? Une réflexion critique sur les outils numériques réellement adaptés et souhaitables dans le monde de demain s’impose. GreenIT considère que la 5G n’est pas nécessaire à 98 % de nos usages quotidiens.

HOP considère que le lancement de la 5G comporte un risque important d’accélération du renouvellement des appareils numériques, au détriment de la planète et de notre pouvoir d’achat. Il est essentiel de revenir à une utilisation sobre du numérique, adaptée aux besoins de tous, en allongeant la durée de vie des produits, en les réparant et les réemployant.

Pour en savoir plus sur les débats relatifs à la 5G : Gauthier Roussilhe, La controverse de la 5G, avril 2020
Pour en savoir plus sur les impacts du numérique : GreenIT, Etude Inum, Impacts environnementaux du numérique en France, 23 juin 2020.
Pour en savoir plus sur la consommation durable : voir notre blog “l’Obsolescence Observée” sur Alternatives Economiques

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