Le 18 juin 2020, la convention citoyenne pour le climat a révélé ses 150 mesures visant à “changer en profondeur la société”. Cette coalition de citoyens volontaires, sélectionnés au hasard formée à l’automne 2019 selon un échantillon représentatif de la population française par le gouvernement, avait pour mission de trouver des solutions concrètes pour réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre, objectif que s’est fixé la France dans l’Accord de Paris. Après neuf mois de délibérations, les citoyens ont validé par vote, dimanche 21, 149 des 150 propositions initiales, et ont remis leur rapport final à Elisabeth Borne, la ministre de la transition écologique et solidaire. Celui-ci classe les propositions en 5 thématiques reprenant les groupes de travail de la convention – “se nourrir”, “produire et travailler”, “consommer”, “se loger”, “se déplacer”.

L’association Halte à l’Obsolescence Programmée (HOP) revient sur les mesures marquantes des “150” concernant la transition vers des modèles de production et de consommation durables, qui rejoignent les principales luttes de l’association pour allonger la durée de vie des produits.

Volet “consommer” : la publicité alpaguée pour son influence sur les comportements de consommation

Le groupe de travail “consommer” de la convention citoyenne pour le climat a émis plusieurs propositions, parmi lesquelles certaines visant à “réguler la publicité pour réduire les incitations à la surconsommation”.

Elles reprennent notamment l’idée de créer une loi interdisant la publicité des “produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre, sur tous les supports publicitaires”. Cette mesure est soutenue par HOP depuis plusieurs années, malgré que de tels amendements pour interdire la publicité de produits trop polluants aient été rejetés pendant les débats parlementaires de la loi anti-gaspillage et économie circulaire de février 2020.

Le collectif souhaite aussi limiter “les incitations quotidiennes et non choisies à la consommation”, comprenant certains panneaux publicitaires dans les espaces publics extérieurs et les publicités présentes sur l’espace numérique. L’interdiction des publicités abusives sur internet ou plus généralement des publicités incitant à des modes de consommation excessifs ou au gaspillage fait partie des mesures portées par HOP, qui salue la démarche. Pour rappel, la loi anti-gaspillage interdit uniquement « toute publicité ou action de communication commerciale incitant à dégrader des produits en état normal de fonctionnement et à empêcher leur réemploi ou réutilisation. »

Enfin, les volontaires ont eux aussi émis l’idée de faire apparaître des mentions, dans chaque publicité, pour inciter à moins consommer. HOP préconise dans son livre blanc plusieurs mesures visant à sensibiliser aux impacts écologiques des publicités.. Par exemple, une éco-taxe pourrait être mise en place sur les publicités pour financer des campagnes de promotion de la consommation responsable. Des mentions légales pourraient aussi être apposées sur les publicités pour inciter à utiliser ses produits plus longtemps.

Pour “consommer moins et mieux”, la convention citoyenne pour le climat propose aussi de développer un affichage obligatoire de l’impact carbone des produits et services, ainsi qu’un score carbone de ceux-ci. En matière d’éducation, elle souhaite également “faire de l’éducation, de la formation et de la sensibilisation des leviers d’action de la consommation responsable”, tandis qu’elle préconise un renforcement de l’évaluation et du suivi des politiques publiques, peu développés en France. Ce dernier point est particulièrement important pour assurer l’efficacité et la durabilité des politiques élaborées. L’affichage environnemental et l’éducation des plus jeunes aux impacts et solutions de la durabilité sont aussi des mesures préconisées par HOP.

L’association HOP propose également la régulation du placement de produit, ainsi qu’une formation des publicitaires intégrant la consommation responsable.

Volet “produire et travailler” : des propositions ambitieuses en faveur de la réparation, du réemploi, et de l’encadrement du numérique

Le collectif citoyen a travaillé sur des mesures visant à “favoriser une production plus responsable, développer les filières de réparation, de recyclage, et de gestion des déchets”, des objectifs qui s’inscrivent pleinement dans l’ambition de HOP.

La convention propose d’améliorer la conception en augmentant la longévité des produits, de “faire respecter la loi sur l’interdiction de l’obsolescence programmée”, et de “rendre obligatoire la possibilité de réparation des produits manufacturés qui sont vendus en France, la disponibilité des pièces détachées d’origine pendant 15 ans, l’accessibilité et la proximité de SAV et de réparation”.

Dans le détail, il est fait mention de promouvoir l’affichage de la disponibilité des pièces détachées, critère inclus dans le futur indice de réparabilité porté par HOP, ou encore de veiller à la proximité des services de réparation. La promotion de la réparabilité et du réemploi est au cœur du travail de HOP, qui salue sa prise en compte dans les propositions citoyennes. L’association incite notamment à la mise en place d’un compteur d’usage sur plusieurs appareils électroniques et électroménagers, la création d’un fonds réparation et réemploi, et le partage d’informations techniques aux réparateurs.

Enfin, les mesures de la Convention concernant le numérique et son rôle environnemental sont primordiaux dans la transition vers un modèle de production durable.

Les citoyens volontaires souhaitent valoriser l’éco-conception des produits, logiciels et services, et développer le réemploi. Les mesures détaillées recoupent à de nombreux égards celles préconisées par HOP : systématisation des écolabels et généralisation de l’affichage environnemental sur les équipements numériques, promotion de l’information et de l’éducation sur les pratiques de sobriété numérique, mutualisation progressive des services du numérique. Il est également évoqué dans le cadre de l’éco-conception la séparation des mises à jour correctives et évolutives, et l’allongement de la durée de garantie légale à cinq ans pour les appareils neufs (davantage pour les appareils reconditionnés ou réparés).

Il n’est en revanche pas fait mention de l’obsolescence logicielle, aspect essentiel de l’obsolescence programmée, au-delà de la distinction des deux types de mises à jour. A ce sujet, HOP propose par exemple d’innover sur la durée de vie des logiciels, d’ouvrir le code des logiciels après la fin de leur support technique, ou encore d’imposer la réversibilité des mises à jour logicielles.

“Nous voulons produire pour vivre et non pas vivre pour produire. Nos propositions visent à produire et travailler mieux, de manière responsable en concevant des produits durables et en privilégiant une production locale.”

Et après ? Assurer une mise en œuvre effective des propositions

La convention citoyenne pour le climat bénéficie de l’appui d’un comité légistique, qui étudie les traductions concrètes des propositions dans la loi. Certaines des mesures ont déjà été introduites dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire de 2020 : les propositions permettent donc d’inciter à une application ambitieuse. On peut citer notamment l’encouragement à l’inclusion de matières recyclées dans la production et l’interdiction de conception de produits non-recyclables, l’affichage environnemental volontaire, ainsi que plusieurs mesures sur la réparation et les pièces détachées

D’autres propositions supposent l’introduction de nouvelles lois, et appuient dans ce sens le plaidoyer de HOP. C’est le cas de l’interdiction de la publicité promouvant des produits ou services “à impact environnemental excessif”, ou de la durée d’obligation de fourniture de pièces détachées par secteur. Il est également possible de compléter le code de l’environnement pour interdire la publicité sur le domaine public en agglomération, les avions publicitaires, ou pour imposer l’accord du consommateur face aux publicités sur Internet. Enfin, le code de l’Éducation peut introduire des dispositions concernant l’éducation à l’environnement et au développement durable.

D’autres recommandations de la convention appellent des mesures européennes, ou ne peuvent pas faire l’objet de traductions juridiques. Dans ce cas, elles demeurent des recommandations incitant le gouvernement à se concerter avec différents acteurs économiques, comme c’est le cas par exemple pour développer de nouveaux centres de réparation, ou à mener des études complémentaires, comme par exemple pour le calcul des émissions carbone des produits.

Les propositions de la Convention citoyenne sur le climat reflètent la volonté des citoyens de changer nos modes de production et de consommation actuels. L’association HOP salue ces propositions et sera vigilante pour que ces mesures concrètes soient traduites dans la loi, et faire des produits durables et réparables et plus largement de la transition écologique la réalité de demain.

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