Le 9 juin, le programme associatif SPIM (Système Publicitaire et Influence des Multinationales) publie son rapport « BIG CORPO » suivi de près par la publication du rapport de Géraud Guibert et Thierry Libaert : « Publicité et transition écologique », remis au Gouvernement. Deux rapports faisant un état des lieux du secteur de la publicité et rappelant que pour la transition vers un modèle de consommation plus responsable, il s’agirait d’encadrer et d’accompagner mieux ce secteur.

L’autorégulation comme règle d’or

Aujourd’hui, en matière publicitaire, peu de règlementations et beaucoup de régulations. La règle qui est de mise pour la communication publicitaire est la liberté[1] et seulement quelques exceptions s’y opposent. Ces exceptions s’appliquent surtout à des secteurs spécifiques. Nous connaissons tous par exemple les restrictions en matière de santé publique, telle que l’interdiction de la publicité pour le tabac[2].

En matière environnementale, les quelques restrictions qui existent visent à encadrer les pratiques de « greenwashing » et pour protéger le consommateur. Elles se rapportent donc majoritairement au Code de la consommation, et notamment à la notion de « pratique commerciale trompeuse ».

Ainsi l’organe qui oriente, conseille et contrôle, est un organe indépendant d’auto-régulation : l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnel de la Publicité). La majorité des règles existantes en matière de publicité est donc d’ordre déontologique. Elles sont renseignées dans les Recommandations ARPP, qui font part des « bonnes conduites » en matière publicitaire. Si cet organe peut être critiqué pour son manque d’impartialité, car il est gouverné majoritairement par les annonceurs eux-mêmes, on lui reconnait un rôle important et à ne pas négliger. Ainsi en 2017, 94% des publicités était conformes aux recommandations environnementales[3].

Cependant, le législateur pourrait encadrer plus la publicité afin de réellement engager ce secteur vers une responsabilisation notamment concernant son impact sur l’environnement. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire fut, en ce sens, une réelle déception, avec des mesures très timides sur la publicité.

Publicité : un impact social et environnemental important

Dans leur rapport, Thierry Libaert et Géraud Guibert rappellent que l’impact de la publicité peut se diviser en 2 catégories : l’impact direct, et l’impact indirect.

L’impact direct renvoie à ce qui est créé par les supports de communication (prospectus, écran publicitaire, vidéo sur internet…). Ainsi le rapport « BIG CORPO », affirme que les prospectus correspondent au quart du volume du papier consommé en France. Les supports de diffusion de messages de communication peuvent être fortement émetteur CO2. Et le sont de plus en plus, avec l’essor de la publicité numérique, qui n’est pas exempt de son « poids carbone ».

L’impact indirect est pour sa part lié aux conséquences engendrées par la publicité. Elles créeraient, entre autres, des phénomènes d’obsolescence esthétique, poussant le consommateur à remplacer ses biens alors que ceux-ci seraient en état de marche (88 % des consommateurs remplacent leur smartphone alors qu’il fonctionne[4]). Le rapport « BIG CORPO » rappelle, dans ce sens, la masse de messages publicitaires, qui représente plus de 15 000 stimulis commerciaux par jour pour chacun, à laquelle nous sommes confrontés tous les jours. Un afflux de publicités qui brouille le message de consommation responsable que les associations essayent de faire passer.

Au vu de cet impact important, il est important d’émettre plus de règles et de renforcer le rôle de l’ARPP. Le gouvernement doit se saisir de cette question afin que la publicité ne soit pas absente de la transition écologique.

Quelles mesures pour responsabiliser la publicité ?

Dans son livre blanc paru en février 2019, HOP rassemble 50 propositions de politiques publiques pour des produits plus durables et réparables, dont une partie consacrée à la publicité.

On y trouve notamment l’interdiction des publicités incitant à la mise au rebut des produits, la création d’une éco-taxe sur la publicité pour financer des campagnes de promotion de la consommation responsable ou encore l’introduction de messages de sensibilisation à la durabilité sur les publicités pour des biens neufs du type “surconsommer dégrade l’environnement”.

Dans les rapports récemment publiés, on trouve également des propositions très intéressantes. La SPIM propose ainsi d’adopter des « lois EVIN » pour le climat ou encore d’établir la liste des informations « nécessaires » qui doivent être systématiquement fournies aux consommateurs. Dans le rapport « publicité et transition écologique », est proposé : « la création d’un programme de formation à la transition écologique dans les études supérieures en communication » et l’ « ouverture de la gouvernance de l’ARPP ».

Des mesures qui, pour le moment, restent lettre morte et qui pourtant permettraient d’allier publicité et transition vers une économie circulaire.

[1] Article L581-1 du code de l’environnement : « Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu’en soit la nature, par le moyen de la publicité, d’enseignes et de pré-enseignes, conformément aux lois en vigueur et sous réserve des dispositions du présent chapitre »
[2] Voir la loi du 10 janvier 1991 dite loi Evin
[3] Bilan 2017 « Publicité et environnement » : https://www.arpp.org/wp-content/uploads/2018/06/Bilan-Publicit%C3%A9-et-environnement-2017.pdf
[4] ADEME : « Des tiroirs pleins de téléphones remplacés : consommateurs et objets à obsolescence perçue » 2017.

 

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