Jeudi 10 juin 2021, la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, portée initialement par les Sénateurs, a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, avant un second passage au Sénat. HOP salue les bonnes intentions mais regrette que le texte ait été autant édulcoré et craint le manque d’impact des mesures votées  relatives à la lutte contre l’obsolescence logicielle, et l’absence de la prise en compte de l’obsolescence culturelle notamment.

Un texte inédit et nécessaire

L’impact environnemental du numérique encore bien trop peu adressé par les politiques publiques constitue pourtant un sujet clé, puisque si rien n’est fait, le numérique devrait être à l’origine de 24 millions de tonnes équivalent carbone à l’horizon 2040, soit environ 7% des émissions de la France, contre 2% aujourd’hui d’après la mission d’information sénatoriale à l’origine du texte.

Cette proposition de loi, sans équivalent en Europe, vise entre autres à sensibiliser davantage aux impacts environnementaux et à la sobriété numérique, à faire émerger des usages numériques plus vertueux, et à limiter le renouvellement des terminaux, qui sont à eux seuls à l’origine de 70% des impacts du numérique en France.

Afin d’accroître l’information disponible et de disposer de données plus précises, le texte propose notamment la création d’un « observatoire des impacts environnementaux du numérique ». Pour encourager l’allongement de la durée de vie des équipements, les parlementaires ont voté une simplification de la définition de l’obsolescence programmée, défendue par HOP, afin de rendre le délit plus applicable. De même, le texte prévoit l’interdiction de techniques, notamment logicielles, visant à restreindre la réparation d’un appareil ou à empêcher l’installation d’un système d’exploitation de son choix (libre par exemple) au-delà de la période de garantie de l’appareil. Il est également inscrit dans le texte que les reconditionneurs doivent pouvoir accéder aux pièces détachées au même titre que les réparateurs professionnels. Portée par HOP, une mesure visant à flécher les équipements informatiques publics sortants vers le réemploi a été adoptée. Enfin, si HOP salue la présence d’articles de loi visant à lutter contre l’obsolescence logicielle, l’association s’interroge sur leur portée réelle.

Des articles phares, supprimés ou amoindris en séance à l’Assemblée

Aujourd’hui les mises à jour nécessaires à la conformité du bien (sécurité et correction de bugs) et les mises à jour évolutives et de confort sont le plus souvent proposées ensemble, sans que le consommateur puisse les différencier. La rédaction initiale proposée par le Sénat visait explicitement leur séparation, afin que le consommateur puisse n’installer que les mises à jour strictement nécessaires, et évite d’alourdir et de ralentir son appareil avec des mises à jour de confort. La rédaction finalement adoptée à l’Assemblée, sous l’impulsion du Gouvernement afin de l’harmoniser avec une directive européenne, mentionne cette distinction sans toutefois l’exiger. Si elle donne la possibilité à un consommateur de désinstaller une mise à jour non essentielle ayant une incidence négative sur le fonctionnement de son bien sous trente jours (au lieu de deux ans initialement), rien ne dit qu’il pourra effectivement dans les faits si les mises à jour ne sont pas proposées séparément.

Sur le sujet de la redevance copie privée, un amendement du Gouvernement est venu supprimer l’article exonérant les produits reconditionnés, excepté pour les structures relevant de l’économie sociale et solidaire. Un taux « spécifique et différencié » par rapport au neuf devrait être appliqué au reconditionné. Selon ses acteurs, il s’agit d’un coup très dur porté au secteur, puisqu’il pourrait menacer la moitié de ses emplois[1]. De même, si le Gouvernement affirme pousser en ce sens au niveau européen, la réduction de TVA pour les biens reconditionnés ou pour les opérations de réparation a été supprimée du texte, selon l’exécutif par conformité au droit communautaire.

Concernant l’éco-conception des sites Internet, il était initialement prévu qu’un référentiel soit rendu obligatoire pour certains sites au trafic important. Sa portée a été modifiée et restreinte pour la mise en œuvre volontaire de bonnes pratiques par les fournisseurs de services en ligne. Dans la même veine, l’obligation d’information des utilisateurs par les plateformes web du poids carbone des services qu’elles proposent a été remplacée par une version très édulcorée, prévoyant la « publication d’une recommandation qui pourra servir de base pour la mise en œuvre volontaire de bonnes pratiques».

De bonnes intentions mais des impacts réduits

Secteur au rythme d’innovation très rapide, que ce soit dans la production des terminaux, ou dans la conception des services numériques, le numérique est inquiétant d’un point de vue environnemental.

Si HOP a conscience du manque de données sur le sujet, et de certaines complexités juridiques (vis-à-vis du droit européen ou de l’extra-territorialité de certains acteurs impliqués), et salue l’intention de ce texte, elle estime que les travaux doivent être renforcé et plus ambitieux afin d’aller vers une réelle sobriété numérique. Malgré quelques progrès, ce texte ne suffira pas à réduire significativement l’empreinte environnementale du secteur ni le rythme d’achat et de renouvellement insoutenable de nos équipements neufs. D’ailleurs, certains sujets structurants ont été omis tels que l’obsolescence culturelle des terminaux ou le déploiement de la 5G. HOP appelle donc à renforcer l’ambition de ce texte en seconde lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale.

 

[1] https://www.sauvonsloccasion.fr/post/taxe-sur-les-smartphones-d-occasion-2-500-emplois-sont-en-jeu-en-france-tribune-jdd-du-06-06-21

 

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