Si le secteur de l’automobile s’illustre par de bonnes pratiques en matière de durabilité, il n’est pourtant pas épargné par les stratégies d’obsolescence programmée. Une enquête révèle notamment que Renault et PSA auraient fortement augmenté le prix de leurs pièces détachées grâce à un logiciel, rendant ainsi la réparation beaucoup plus coûteuse pour les consommateurs.

Malgré de bonnes pratiques, l’automobile concernée par l’obsolescence programmée

Le secteur de l’automobile s’illustre historiquement par de bonnes pratiques en matière de durabilité. En effet, une voiture est considérée comme un produit durable qui conserve une valeur marchande tout au long de sa vie : le marché de l’automobile d’occasion est particulièrement dynamique, notamment à cause du prix du neuf et grâce au compteur kilométrique indiquant l’usure.

Les voitures demeurent également parmi les biens les plus réparables : de nombreuses pièces détachées sont proposées par des plateformes comme Oscaro, et l’automobile constitue une grande part des activités de réparation en France. De manière générale, les constructeurs français se distinguent par de bonnes pratiques en faveur de la qualité des produits, et donc de la durabilité.

Le secteur des transports s’illustre également par l’émergence d’initiatives innovantes en matière de durabilité, notamment autour de l’usage : location de voitures en libre-service, démocratisation du covoiturage… Les pneus des véhicules professionnels sont encore rechapés et loués au kilomètre plutôt qu’au volume.

Cette tendance favorable est cependant à nuancer : responsable d’environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France en 2015[1], le secteur des transports est parmi les plus polluants.L’automobile n’est par ailleurs pas exempte des stratégies d’obsolescence, visant à réduire la durée de vie des produits. L’association HOP recueille de plus en plus de témoignages au sujet des voitures : pannes prématurées, réparations très coûteuses, GPS tombant en panne à partir d’une certaine date, système embarqué impossible à mettre à jour…

Les plaquettes de freins et les pneus sont également remplacés de plus en plus fréquemment. C’est notamment ce que dénonce Michelin, qui s’attache à fabriquer des pneus performants sur la durée.

Enfin, la fiabilité des réparations et le prix des pièces détachées génèrent également une certaine frustration, à raison, chez les consommateurs.

Renault et PSA auraient gonflé les prix de leurs pièces détachées

Vous est-il déjà arrivé de devoir remplacer le rétroviseur ou le pare-chocs de votre voiture ? Si votre voiture est de marque française, vous avez peut-être été étonné du prix particulièrement élevé de ces pièces. En effet, les pièces de carrosserie ne sont disponibles qu’auprès des constructeurs d’origine en France [2] : ceux-ci sont en situation de monopole sur ce type de pièces et en profitent pour augmenter leurs prix autant qu’ils le souhaitent.

Les prix de ces pièces détachées automobiles « captives » auraient été gonflés artificiellement par Renault et PSA grâce à un logiciel. C’est ce que révèle une enquête de Mediapart et du réseau de médias d’investigation European Investigative Collaborations (EIC) publiée le 31 mai. Ce logiciel aurait permis de fixer le prix de vente en fonction de la propension à payer du client, et non pas du prix d’achat ou de construction de la pièce.

D’après Mediapart, les constructeurs et les concessionnaires garagistes pratiqueraient une marge de 80 % sur les pièces détachées.

L’article affirme que les deux constructeurs auraient pu augmenter secrètement le prix de leur pièces détachées de 15 % chacun depuis la fin des années 2000 à l’aide de ce logiciel fourni par le cabinet de conseil Accenture. Ces stratégies auraient rapporté environ 1,5 milliard d’euros de profit à Renault et à PSA aux frais des consommateurs, qui ont vu le prix de leurs réparations fortement augmenter.

De nombreux progrès restent à faire pour améliorer la durabilité dans la mobilité

Si les constructeurs automobiles prennent de nombreuses initiatives positives dans le sens de la durabilité (offres de services, pièces détachées d’occasion…), il est nécessaire d’aller plus loin pour éviter ces dérives et rendre la réparation accessible à tous.

Afin de faciliter la réparation automobile et ainsi d’allonger la durée de vie des véhicules, il serait intéressant d’ouvrir progressivement la vente des pièces détachées de carrosserie à la concurrence. En suivant le chemin des 12 pays européens ayant déjà libéralisé ce marché, la France donnerait ainsi l’accès aux consommateurs aux pièces détachées à un prix raisonnable.

Un affichage de la durabilité des produits du secteur automobile, lorsque cela est pertinent, qui prendrait en compte la facilité d’accès aux pièces détachées à un prix et raisonnable, permettrait de mieux informer les consommateurs qui pourraient s’orienter vers les équipements les plus durables. Par ailleurs, une analyse du cycle de vie complète permettant de dresser un bilan économique, écologique et social des produits devrait être systématisée.

Des mesures améliorant la durabilité des logiciels de l’automobile seraient également intéressantes : open source, meilleure compatibilité des mises à jour et du matériel…

HOP demande enfin un meilleur contrôle de la performance dans le temps des pneus et des plaquettes de freins.

Alors que se tient actuellement le sommet mondial sur la mobilité durable Movin’On, il semble plus que jamais pertinent de prendre des mesures concrètes pour améliorer la durabilité et la réparabilité du secteur automobile.

[1] Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), 2015. Les voitures particulières représentent environ 70 % du trafic total des transports.
[2] En France, les pièces détachées de carrosserie sont couvertes par la protection des dessins et modèles des articles L-511-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

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