Le rapport des Nations Unies sur l’allongement de la durée de vie, publié fin septembre 2017, explore différentes voies pour essayer d’allonger la durée de vie des objets, adaptées au niveau de développement de chaque pays. En préambule, rappelons que l’idée générale quand on parle d’allongement de la durée de vie d’un produit est d’arriver à une situation gagnant-gagnant : le consommateur peut jouir de son bien plus longtemps, donc avec un coût de revient moindre, l’entreprise n’a quant à elle pas à diminuer ses marges, et la pression sur l’environnement diminue.

Trois grands axes d’amélioration sont définis : la simple augmentation du temps d’utilisation d’un produit, la meilleure conception des produits à travers leur design et leur maintenance, et enfin la meilleure prise en charge des produits en panne à travers la réparation ou le reconditionnement notamment. D’un point de vue pratique, l’étude se penche sur sept appareils en particulier et tente de définir une durée au bout de laquelle il est intéressant d’un point de vue écologique de remplacer son bien par un produit neuf. Les conclusions auxquelles parvient l’étude sont résumées ici.

La durée de vie, facteur essentiel de l’analyse en cycle de vie

En évaluant l’impact de leur fabrication et de leur utilisation, une machine à laver et un réfrigérateur devraient durer dix ans minimum avant d’être remplacés par leurs homologues plus jeunes, à la condition qu’ils soient moins gourmands en énergie. Un téléviseur, à l’inverse, ne devrait pas être changé au motif qu’un nouvel appareil consomme moins : de fait, les appareils consomment aujourd’hui de plus en plus (jusqu’à 30% pour une nouvelle télévision!).

Cependant, différents paramètres sont à prendre en compte, comme le nombre d’heures où le téléviseur est allumé chaque jour et sa taille. Dans tous les cas, un remplacement avant les 8 à 10 ans n’est pas souhaitable. Concernant les téléphones portables, les phases d’extraction des minerais et de fabrication représentent toujours la majeure partie de l’impact écologique de ce petit appareil. L’impact de la phase d’utilisation augmente, mais la durée à partir de laquelle il est préférable de changer de téléphone peut monter à 12 ans. Aujourd’hui, un téléphone est malheureusement remplacé à cause des mises à jour qui ne sont plus supportées ou à cause des offres des opérateurs de téléphonie mobile qui proposent des modèles gratuitement ou avec de gros rabais. Les ordinateurs portables, quant à eux, auraient une durée de vie optimale d’au moins sept ans. Cette période peut, en fonction des hypothèses, s’élever à… 88 ans ! Par ailleurs, les aspirateurs sont malheureusement souvent remplacés avant leurs cinq ans, notamment à cause d’une certaine réticence à les réparer dans les pays développés. Enfin, l’habillement est un domaine où de bonnes marges de progrès sont possibles, en implémentant des pratiques d’entretien plus responsables notamment.

Pour les pays développés, deux principales séries de mesures sont décrites. La première concerne principalement l’information des consommateurs et la législation qui s’y rattache. Elle vise à donner au consommateur la possibilité d’agir. La France en 2014, ainsi que le Portugal par ailleurs, ont montré l’exemple en augmentant à deux ans la période de garantie légale, c’est-à-dire la période pendant laquelle la charge de la preuve est au bénéfice du consommateur. Puis en 2015, la France a été le premier pays au monde à définir le délit d’obsolescence programmée. L’ONU évoque donc l’idée d’une adoption plus large de ces mesures, au sein de l’Union Européenne notamment. Par ailleurs, l’UE a mis en place une directive ecodesign qui fixe des exigences minimales pour certains types de produits vendus sur son territoire. Une avancée législative serait d’étendre le nombre des produits soumis à cette directive. Le rapport recommande également l’affichage de la durée de vie, la mise à disposition de manuels de réparation et une réduction de la TVA sur les activités de réparation. Le « Right to Repair », quant à lui, permettrait aux « particuliers et aux réparateurs indépendants d’avoir accès aux mêmes informations et pièces détachés que les fabricants, les revendeurs et réparateurs agrées ». Dans tous les cas, c’est en renforçant l’information pour le consommateur et son éducation que celui-ci va affiner ses choix de consommation, et donc faire changer la manière de production.

Modifier les modes de production

C’est ce domaine que traite la deuxième série de mesures proposées par le rapport. Il suggère de mettre en place des incitations financières pour allonger la durée de vie des produits comme la réduction des taxes sur les produits remanufacturés ainsi qu’une garantie sur ces mêmes produits. A l’échelle des fabricants, la mise en place de la responsabilité élargie des producteurs est une piste prometteuse, à l’instar de ce qui se fait au Japon depuis 2001, où les fabricants sont responsables de leurs produits même au-delà de la phase d’utilisation. En effet, si le fabricant est responsable (financièrement) du traitement des déchets générés par ses produits, il va répercuter ce coût sur le prix d’achat. L’écart entre les produits jetables et les produits durables diminuera et il deviendra alors plus intéressant d’éco-concevoir. Une autre piste importante d’amélioration est de repenser notre modèle économique et de passer à une économie de l’usage plutôt que de la possession.

Dans les pays en développement, la problématique est toute autre. En effet, pour améliorer la durée de vie des produits, les premières mesures proposées relèvent de la mise en place d’un système de traitement des déchets sûr, fiable et prenant en compte l’environnement. Il est par ailleurs essentiel de reconnaître et d’utiliser le potentiel énorme que représente le secteur de la réparation dans ces pays où il est aujourd’hui dépourvu de tout statut officiel. Des droits sociaux ainsi qu’une formation adéquate permettraient de rendre à ce secteur la place qu’il mérite au sein d’une société. Il conviendrait, de plus, de stimuler la réparation et la remise à neuf de vieux matériels avec pour but d’augmenter l’efficacité énergétique du bien. Ceci est envisageable grâce à des formations et des manuels de réparation adéquats. Dans les pays en voie de développement comme dans les pays développés, l’information et l’éducation sont incontournables pour faire évoluer les habitudes.

La France en éclaireur

Ainsi, ce rapport remet le consommateur dans son rôle d’acteur et insiste sur le fait que l’insatisfaction générale due à la courte durée de vie des produits doit se transformer en action à l’échelle individuelle. Il est par ailleurs essentiel que les fabricants s’engagent dans un modèle de production différent. Enfin, ce rapport égrène des mesures connues mais sur lesquelles les législateurs mettent du temps à se pencher. De par sa vision globale d’une institution reconnue, l’ONU, à travers ce document, donne aux dirigeants de chaque pays les clés pour se saisir de ce chantier et mettre en place les mesures nécessaires. La France se positionne en bonne élève dans ce domaine mais reste une bonne élève relativement aux autres, alors continuons sur notre lancée, la majeure partie des mesures reste à être implémentée !

Vous pouvez trouver le rapport dans son intégralité ici.

Camille Fabacher

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