En mars 2020, la Commission européenne avait demandé aux fabricants d’imprimantes, dans le cadre de son plan d’action pour l’économie circulaire adopté en mars 2020, de mettre en place un accord volontaire ambitieux pour que le secteur contribue à faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre, en atteignant notamment la neutralité carbone d’ici 2050.

Haro sur le reconditionnement

Avec des ventes annuelles de quelque 70 millions de cartouches d’encre rien qu’en France et des taux de reconditionnement en Europe d’environ 15 % seulement, les consommables pour imprimantes sont une source majeure de déchets dans l’Union Européenne (UE). Ils représentent à eux-seuls 150 000 tonnes de déchets électroniques, dont 68 000 tonnes sont soit incinérées soit enterrées. Cela est dû en grande partie à l’utilisation généralisée de puces et des mises à jour micrologicielles, ou d’autres techniques pour lesquelles HOP a porté plainte contre Epson en 2017. Une plainte pour laquelle nous attendons toujours une réponse du Procureur de la République.

Or, l’accord volontaire proposé par les fabricants ne résout rien à ces problèmes. En effet, il n’introduit aucune incitation significative à la réutilisation et au reconditionnement des cartouches. Il n’y a pourtant aucune contrainte technique, empêchant de reconditionner et de re-remplir à grande échelle des cartouches usagées. Hormis les modèles économiques des fabricants d’imprimantes qui reposent essentiellement sur la vente de leurs propres cartouches. De plus, il propose de fonctionner au moyen d’accords bilatéraux confidentiels avec un nombre très limité d’acteurs du reconditionnement (section 9.5 & Annexe D-2). Une mesure qui semble être en contradiction avec les  règles de concurrence de l’UE et de la directive sur l’écoconception.

L’accord volontaire prévoit la possibilité pour les marques de bloquer l’utilisation de cartouches génériques si elles informent le consommateur préalablement au moment de l’achat ou si elles mettent en place un service d’abonnement visant à promouvoir la fabrication et le recyclage de leurs propres consommables (section 9.3 & Annexe A).

HOP s’inquiète de ces propositions car un marché du reconditionné fermé est susceptible, non seulement d’avoir un impact négatif sur le coût des cartouches mais aussi d’avoir peu ou pas d’impact positif sur le taux de recyclage et de reconditionnement des consommables.

Un accord volontaire qui limite la réparabilité des imprimantes

Selon notre rapport “Imprimante le coût de la panne”, pour une imprimante jet d’encre avec une durée de vie moyenne de 3 ans, l’allongement de sa durée de vie de 2 ans permettrait d’éviter les deux tiers de ses émissions tout au long de son cycle de vie. Des mesures en faveur de la réparation sont donc urgentes. Il semblerait que cela n’est pas le chemin que prend la proposition d’accord volontaire selon HOP. Le texte actuel propose, en effet, une exemption aux règles de réparabilité pour les produits en dessous de 300€ (section 7.4.6 & Annex D-2). Soit un véritable pied-de-nez aux règles d’éco-design existant pour d’autres catégories de produits et surtout une véritable légitimation des pratiques d’obsolescence prématurée sur le marché européen.

Toujours à l’encontre des règles d’éco-design existantes, l’accord volontaire n’exige pas des fabricants qu’il facilite le démontage de tous les composants avec des outils accessibles à tous (sections 7.2, 7.3 and 7.4). Il permet en outre des portes de sorties aux obligations d’accessibilité des pièces concernées par l’accord. Par exemple, dans les cas où cela serait “requis techniquement” ou “ nécessaire pour garantir la sécurité du produit concerné”. Comment justifier la nécessitée de ces exemptions  ? L’accord omet de le préciser.

Abordons maintenant le volet des pièces détachées (section 7.4.1 à 7.4.3). La liste de celles à mettre à disposition n’inclut pas de nombreux composants essentiels au bon fonctionnement des imprimantes.. On peut par exemple citer la RAM, l’affichage électronique et les chariots des cartouches d’encre. Une période inférieure à la durée de vie constatée de nombreuses imprimantes et à la garantie légale de 2 ans.

Recyclabilité, toxicité des composants et contrôle de conformité: une copie à revoir

L’accord volontaire s’inscrit en porte à faux sur de nombreux autres points du Plan d’action pour l’économie circulaire. On peut citer l’absence d’engagement (ou bien trop faible) sur les émissions de substances volatiles potentiellement dangereuses pour la santé (benzène, styrène, ozone), l’utilisation de plastique recyclé dans la fabrication (section 7.7), l’utilisation raisonnée de retardateurs de flamme halogénés ou d’autres additifs afin de faciliter le recyclage (section 7.7) .

Enfin, l’accord volontaire prévoit des mesures de contrôle de conformité seulement à minima, particulièrement sur l’efficacité énergétique  (section 10.1 & Annex B), ce qui est en opposition directe avec les recommandations de la Commission européenne qui prévoit que la conformité doit être établie sur tous les engagements.

Le cas HP+

La proposition d’accord volontaire illustre les stratégies commerciales déployées par certains acteurs du secteur, plutôt qu’un véritable volontarisme en faveur d’un plan d’action ambitieux pour l’économie circulaire proposé par la Commission européenne. L’exemple de Hewlett-Packard (HP), qui a officialisé la sortie de son offre HP+ il y quelques mois, est parlant. Il s’agit d’un service qui permet l’utilisation d’une application mobile avec des fonctions de numérisation. Il oblige en plus le consommateur à utiliser des cartouches d’encre ou des toners HP authentiques. Le programme semble être une incitation à l’utilisation conjointe du service Instant Ink qui commande de nouvelles cartouches lorsque les niveaux sont bas. Ce service rentre parfaitement dans les critères d’exemptions cités ci-dessus puisqu’il promet  une “impression durable”.

Les initiatives en faveur de l’éco-conception et économie circulaire auraient tout pour plaire. Notamment de la part d’un secteur qui n’a jusque-là pas brillé par son exemplarité environnementale. Malheureusement, dès que l’on creuse, cela se gâte. En effet, l’entreprise ne re-remplit pas les cartouches et toner, comme le pratiquent nombre de reconditionneurs indépendants. Elle promet de les recycler, ce qui est a priori bien moins vertueux pour l’environnement et constitue donc un recul sur la question du reconditionnement. Surtout, elle dissuade le consommateur de se tourner vers toute autre cartouche reconditionnée générique pour n’utiliser que ses cartouches authentiques. Enfin, ce programme nécessite que l’imprimante soit connectée en continue ce qui ne semble pas tendre vers la sobriété énergétique.

Pour conclure, cet accord volontaire témoigne d’un manque d’ambition flagrant quant aux objectifs du plan d’action pour l’économie circulaire. HOP enjoint la Commission européenne à prendre acte de cette proposition. Ainsi qu’à réguler le secteur comme elle s’y était engagée dans le cas d’une telle éventualité.

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