HOP analyse le rapport final des politiques et mesures belges de protection du consommateur : un document très complet duquel la France et l’Europe feraient bien de s’inspirer.
En mai 2017, RDC Environnement, un cabinet de conseil en développement durable Belge, a publié un rapport très complet qui a pour but d’identifier des mesures concrètes pour allonger la durée de vie des produits à travers trois leviers : une meilleure conception des produits, une meilleure utilisation de ceux-ci et leur réparation. Le rapport analyse en profondeur une série de mesures ainsi que leur efficacité et leur faisabilité. Ces dispositions peuvent être appliquées à différentes échelles, à différentes catégories de produits et avec diverses modalités.
Avant de détailler quelques unes des mesures les plus intéressantes, le rapport rappelle que pour le moment seuls trois cas d’obsolescence programmée ont été présentés à la justice mais qu’aucun n’a donné lieu à convocation car dans tous les cas une entente à l’amiable a été trouvée avec un dédommagement conséquent à la clé. Il arrive également qu’un produit soit retiré de la vente sous la pression des associations ou de l’autorité, sans que le cas ne soit porté devant les tribunaux.
Les mesures qui retiennent le plus notre attention sont détaillées, et nous nous contentons d’évoquer les autres, qui restent tout aussi importantes.
L’une des mesures proposées est l’affichage de la durée de vie des produits afin de permettre au consommateur de « décider en connaissance de cause d’acheter éventuellement plus cher un produit d’une durée de vie plus longue ». L’information ne serait ni une garantie ni un engagement du fabricant, et figurerait à côté du prix sur l’étiquette ou sur l’emballage. Les méthodes de mesures pourraient prendre différentes formes, comme des tests de mise à l’épreuve, une évaluation par des techniciens, une soumission à un panel d’experts… mais celle qui apparaît la plus réalisable, selon les critères de l’étude, est une « évaluation par les consommateurs sur internet ». Cette plate-forme permettrait aux consommateurs de partager des informations sur les produits qu’ils possèdent et de noter statistiquement les produits. Notons que cette plate-forme… existe déjà ! Hop et CommentReparer.com l’ont mise en service dès 2016 sous le nom produitsdurables.fr. L’idée est donc là, bien qu’il conviendrait d’améliorer son fonctionnement.
Une autre mesure proposée est le fameux affichage de la durée de disponibilité des pièces détachées, où le cas français est pris en (mauvais) exemple… « Le décret d’application semble laisser la possibilité aux fabricants et distributeurs de ne pas informer le consommateur s’ils ne proposent pas de pièces détachées pour le produit. Par conséquent, 60% des distributeurs n’affichent pas l’information [et] l’affichage n’est pas standardisé. [Par ailleurs], en France, le délai [dans lequel le fabricant doit fournir la pièce] est de deux mois, ce qui peut décourager les consommateurs à faire réparer leur produit. »
On a donc cru un temps que la France allait montrer l’exemple… jusqu’à la parution du décret d’application dont la rédaction vient rendre la loi inopérante. HOP espère tout de même un changement dans les mois à venir suite au recours déposé devant le conseil d’Etat à la fin de l’année dernière, et à l’engagement qu’a pris Emmanuel Macron pendant sa campagne auprès de HOP de modifier ce décret.
Une troisième mesure efficace et réalisable sans difficulté majeure au niveau européen est la diminution de certaines charges sur les activités de réparation, notamment la baisse de la TVA. Économiquement, le bilan pour l’Etat n’est pas forcément négatif. En effet, l’ajout des activités de réparation dans la liste des activités bénéficiant d’un taux réduit de TVA diminuerait certes les charges, donc entrainerait une diminution des recettes d’un côté, mais permettrait d’un autre de créer des emplois. Ceci augmenterait donc les recettes de l’Etat à travers des charges sociales, des impôts et de la TVA en plus, et diminuerait ses dépenses grâce à une réduction des allocations chômage.
Aujourd’hui, « la TVA est encadrée par la Directive européenne TVA, qui autorise des réductions de TVA pour des travaux de réparation de vélos, chaussures, vêtements et linge de maison ». Mais cette directive n’est pas applicable à la réparation d’appareils électriques et électroniques. Un pays membre ne pouvant pas modifier au niveau national son taux de charge pour les activités de réparation, c’est à l’Europe de s’emparer de cette mesure. Des propositions de la part de la Commission Européenne pour modifier cette directive sont attendues pour la fin de l’année 2017. Hop espère qu’elles seront à la hauteur des enjeux, en s’intéressant non seulement à la réduction de la TVA mais aussi à la diminution des charges fiscales des activités de réparation.
Un autre levier extrêmement efficace qui demande un changement de nos modes de consommation est d’encourager les modèles économiques innovants en accompagnant la transformation de l’offre, en soutenant le développement d’acteurs de l’économie collaborative et en développant la demande pour les nouveaux modèles durables entre autres. Emmanuel Macron a également pris des engagements dans ce sens durant sa campagne, HOP attend donc de voir dans les mois à venir la réalisation concrète de ces différentes promesses.
Le rapport belge détaille également une mesure relative à l’allongement de la durée de garantie légale des produits neufs et d’occasion supérieure à deux ans, afin de définir une durée de garantie cohérente avec la durée de vie attendue par catégorie de produits. Le rapport conclut que « L’allongement de la garantie légale devrait avoir un impact élevé sur la durée de vie des produits ». Hop soutient cette mesure qui doit être prise par le législateur.
Ce document décrit également l’intérêt :
- d’afficher la réparabilité des produits
- d’encourager une bonne utilisation, l’entretien et la réparation des produits par les consommateurs
- de développer des standards de compatibilité
- de s’assurer que les mises à jour logicielles ne limitent pas la fonctionnalité des appareils (pendant une certaine période)
- de garantir en plus de la disponibilité des pièces détachées, la mise à disposition des plans des produits (vues éclatées) et des outils nécessaires à la réparation pendant une période plus longue
- d’intégrer la durabilité dans les critères d’achats publics
- d’une déduction fiscale sur les réparations
L’Europe a également une responsabilité importante et un rôle majeur à jouer. En effet, certaines mesures proposées, particulièrement efficaces, ne sont applicables qu’à un niveau européen. Et la mise en œuvre des autres mesures « nationales » à l’échelle européenne en décuplerait leurs effets.
Le rapport estime, en accord avec la commission européenne, « qu’une série de mesures fortes en faveur de la réparation » permettrait de créer 850 emplois supplémentaires en Belgique. Appliquées à l’échelle de la France, ces mesures permettraient une création d’emplois encore plus importante. Et au niveau européen, on parle de 45000 emplois créés d’ici 2050. Il faut de plus noter que ces emplois ne sont pas délocalisables, sont répartis sur le territoire et sont créés au sein de structures de tailles raisonnables.
Ajoutons à cela une dernière remarque sur la compétitivité des entreprises européennes qui y gagnerait, grâce à la reconnaissance à l’international d’une qualité supérieure de leurs produits.
Ce rapport publié en mai par la Belgique est bien plus complet que ceux publiés en avril par la France… A quand une politique française plus ambitieuse ? Malgré tout, l’ambition franco-belge et là, et HOP s’en félicite. Le vote d’un rapport d’initiative porté par Pascal Durand début juillet 2017 laisse présager une prise de conscience de l’enjeu de l’allongement de la durée de vie et appelle des mesures concrètes au niveau national et européen.
Camille Fabacher