Trois mois après son entrée en vigueur, le manque de réparations opérées via le fonds réparation pose, selon l’association HOP, la question de sa gouvernance par les éco-organismes, en charge du pilotage. Suite aux observations de la CLCV, HOP analyse et propose des solutions pour réellement inciter à la réparation.

Créé par la loi AGEC (Anti- gaspillage et économie circulaire), le bonus réparation est une aide financière qui vise à rendre la réparation des produits plus accessible pour les consommateurs. HOP se félicite de son principe et de son entrée en vigueur, pour lesquels elle a activement milité, mais s’inquiète de sa mise en œuvre.

Vous souhaitez en savoir plus sur le bonus réparation ? Retrouvez notre article dédié sur notre site Produits Durables.

Le fonds réparation n’atteint pas les objectifs : à qui la faute ?

Lancé le 15 décembre 2022, le bonus réparation peine à rencontrer les impacts escomptés. A ce stade, seuls 1 246 sites regroupés dans 504 entreprises sont labellisés QualiRépar pour offrir le bonus réparation aux citoyens. Le manque de réparateurs labellisés dans de nombreux territoires menace directement l’accessibilité du bonus réparation pour les consommateurs. Le montant d’aide reste faible, voire dérisoire, avec seulement 24 euros offerts en moyenne à date, sur des réparations pouvant aller jusqu’à 164 euros pour les produits les plus sollicités comme les lave-linges, soit 14% du coût de la réparation.

Surtout, depuis le 15 décembre 2022, seuls 565 000 euros ont été dépensés sur les 63 millions de l’enveloppe définie dans le cahier des charges pour les années 2022 et 2023 (respectivement 22 millions et 41 millions d’euros) pour le bonus réparation. L’argent est pourtant censé avoir été collecté par les éco-organismes en charge des déchets électriques et électroniques, via l’éco-contribution que paient les metteurs sur le marché pour les biens vendus aux consommateurs français. Au vu de ces chiffres, HOP s’interroge sur le bon usage de ce fonds.
Les faibles sommes reversées in fine aux consommateurs et certains freins bureaucratiques sur les réparateurs ne permettent pas à date de dynamiser la réparation, dans l’esprit de la loi AGEC votée par les parlementaires.

Face à constat, l’association HOP a partagé ses recommandations au Ministre de l’Écologie Énergie Territoires, Christophe Béchu, et à la Secrétaire d’Etat, Bérangère Couillard, à l’occasion de la réunion organisée par eux le 20 avril avec l’ensemble des parties prenantes.

Les recommandations de HOP pour obtenir un impact positif

Ainsi, HOP demande tout d’abord à lever certains critères d’inéligibilité, telles que l’exclusion des écrans de smartphones dans la prise en charge du fonds réparation, celle des pannes liées au logiciel, celle de “problèmes résultant d’un usage non-conforme aux prescriptions du constructeur” qui est trop vague et restrictive, ou encore l’exclusion de la réparation des accessoires essentiels au bon fonctionnement du produit.

HOP appelle aussi à renforcer la grille des produits éligibles (comme les planchas de cuisson) et à supprimer les seuils absurdes (par exemple, dans le cas d’une imprimante, il faudrait atteindre 150 euros de réparation, soit plus de 80 % du prix neuf qui est en moyenne de 178 euros, pour obtenir 35 euros de bonus pour la réparer…).

A l’aune des chiffres de l’Ademe sur le prix moyen des appareils neufs par rapport aux tarifs moyens de réparation, revue à la hausse par les données récentes de la CLCV et les observations de terrain de HOP sur certains produits, les montants des bonus réparation paraissent bien trop peu incitatifs pour escompter un quelconque impact positif. HOP appelle donc à tenir l’engagement du Gouvernement de doubler a minima les montants du bonus.

L’objectif du fonds n’est pas tant d’aider ceux qui réparent déjà, mais bien d’inciter de nouveaux consommateurs à passer le pas et faire croître le secteur tout entier. A cet égard, le gouvernement et les parlementaires doivent affirmer leur vision et leur ambition pour l’économie circulaire, en lien avec le projet de loi actuel “Industrie Verte”. Pour ce faire, HOP demande une étude prospective sur l’impact économique escompté, les investissements et actions nécessaires pour l’aide et la structuration au passage à l’échelle des sites actuels, l’émergence de nouveaux sites et la formation.

HOP souhaite aussi l’allégement du référentiel QualiRépar là où c’est nécessaire, pour encourager les réparateurs indépendants à participer au dispositif et dynamiser la réparation dans les cœurs de ville. L’association déplore également que les collectivités locales soient si peu associées au dispositif. Elles ont pourtant un rôle majeur à jouer pour faire connaître le fonds réparation à leurs habitants et aux réparateurs locaux.

Si les élus locaux n’ont pas voix au chapitre, les autres parties prenantes ne sont pas beaucoup mieux considérées. Afin de pallier une gouvernance où les décideurs privés sont juges et parties, HOP plaide pour un Comité national de la réparation, qui soit un tiers de confiance décisionnaire représentatif des parties prenantes, et piloté par les pouvoirs publics. Il est essentiel que des acteurs tels que les représentants de réparateurs indépendants, les associations environnementales et de consommateurs aient leur mot à dire dans la gouvernance et l’observatoire des données issues du fonds (aujourd’hui entièrement choisi et financé par les éco-organismes eux-mêmes, dans la plus grande opacité).

HOP rappelle enfin l’importance de lancer une campagne de communication à l’échelle nationale pour faire connaître le dispositif auprès des Français, et créer une attente citoyenne auprès des réparateurs pour se faire labelliser.

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