Dans le contexte du projet de loi Industrie Verte, l’association Halte à l’Obsolescence Programmée (HOP) est convaincue que les entreprises comme les consommateurs doivent se tourner vers des modes de production et de consommation plus responsables. Réunis en groupe de travail, des acteurs du Club de la Durabilité, réseau des entreprises engagées pour l’allongement de la durée de vie des produits animé par HOP, publient leurs réflexions et leurs recommandations pour “Accélérer le réemploi et le reconditionnement en France” dans un guide pratique inédit.
Accélérer le réemploi en France, un enjeu clé de la transition écologique
Chaque année, les Français jettent plus de 9 millions de tonnes d’objets utilisables (ADEME). Au-delà des déchets engendrés, cet usage sous-efficient des biens encore fonctionnels contribue grandement à la surexploitation des matières premières et aux pollutions générées par leur production et leur remplacement par de nouveaux produits. En effet, la majorité des impacts environnementaux et sociaux se situent au moment de la fabrication des produits : 82% de l’empreinte carbone pour les télévisions ou 84% pour les smartphones par exemple.
Dans un contexte de crise climatique, le développement du réemploi devient aujourd’hui une nécessité pour répondre aux besoins d’équipements des citoyens avec un moindre impact environnemental mais s’affirme également un levier de résilience face à la raréfaction des ressources.
En France, malgré une dynamique de croissance du secteur du réemploi, les acteurs économiques sont confrontés à de nombreux freins pour développer ces activités. Tout d’abord, les produits neufs à bas coûts qui inondent massivement le marché, fabriqués grâce à des chaînes logistiques mondialisées, représentent une double peine : une concurrence sur les prix mais aussi des difficultés techniques pour les réemployer car ces produits sont souvent peu durables et difficilement réparables, ce qui augmente le coût d’un potentiel reconditionnement et menace aussi sa qualité.
Ensuite, l’accès au gisement de déchets ou produits réemployables ou à reconditionner est aujourd’hui un vrai défi. Les acteurs se trouvent notamment en compétition pour accéder au gisement des éco-organismes qui le réservent presque exclusivement aux acteurs historiques de l’ESS. Pourtant, la quantité de déchets captés par les éco-organismes est conséquente face à leur taux de réemploi très faible : dans la filière EEE, seulement 6% de la collecte initiale est étudiée pour réemploi, et 1,3% finalement réemployée (Ecosystem).
Enfin, alors que la crainte des consommateurs envers la fiabilité des produits reconditionnés ou leur durée de vie représente aujourd’hui le premier frein à leur adoption, établir un référentiel commun pour évaluer la qualité des terminaux reconditionnés représente un challenge de taille.
Entreprises et décideurs publics : quels leviers pour un développement optimal de la filière française du réemploi ?
Loin d’être un constat pessimiste de la situation du réemploi en France, le guide pratique du Club de la Durabilité présente une boîte à outils de bonnes pratiques à destination des décideurs privés permettant déjà de pallier, au moins en partie, certains freins et de développer efficacement des activités de réemploi au sein de leurs structures.
Face aux difficultés de collecte, les entreprises créent par exemple des incitations via des offres de reprise ou privilégient la désintermédiation avec des outils digitaux et des plateformes CtoC. Pour rassurer sur la fiabilité des équipements et gagner la confiance des consommateurs, une multitude de bonnes pratiques commencent à se généraliser : garanties étendues, assurances complémentaires, SAV de qualité, labellisation et transparence sur les processus de reconditionnement…
Pour aller plus loin, des acteurs de la filière développent aussi de larges partenariats industriels en consortium afin de mutualiser non seulement les ressources, mais aussi des compétences pour optimiser la chaîne de valeur (collecte, démantèlement, revente) et élargir la profondeur de l’offre. L’intégration d’entreprises de l’ESS à cette boucle facilite aussi le reconditionnement de produits à plus faible valeur ajoutée, dont la réparation ne serait pas rentable pour des entreprises de l’économie conventionnelle.
Enfin, la formation apparaît aussi un enjeu-clé pour faire face à la pénurie de réparateurs et densifier l’offre, avec l’exemple de plusieurs acteurs ayant créé leurs propres écoles ou s’étant associés à des écoles spécialisées pour former leurs techniciens.
Outre l’essaimage de ces bonnes pratiques chez les acteurs privés, le guide pratique formule plusieurs recommandations à destination des décideurs publics pour structurer un cadre réglementaire sécurisant et propice au développement harmonieux de la filière.
Parmi les priorités, réhausser les objectifs de réemploi du cahier des charges des éco-organismes et affirmer dans les faits la primauté du réemploi sur les autres modes de traitement des produits en fin de vie (recyclage, élimination) semble indispensable. La mise en place d’une collecte préservante via l’investissement public dans de nouvelles infrastructures, et un mécanisme financier de soutien aux acteurs prenant en charge cette collecte et son stockage, pourrait aussi permettre d’améliorer la qualité de ce gisement.
Face à la difficulté de certains réparateurs pour se fournir en pièces détachées, il est également nécessaire de faire appliquer le droit à la réparation existant, comme l’interdiction aux fabricants de toute pratique limitant l’accès aux professionnels du réemploi aux pièces détachées et à la documentation. Pour démocratiser l’achat des produits reconditionnés, la création d’un référentiel commun pour le reconditionnement, incluant l’uniformisation des grades de qualité, semble indispensable à l’amélioration de la lisibilité et de la confiance des consommateurs. Enfin, l’établissement de règles d’éco-conception ambitieuses sont nécessaires afin de disposer de produits durables et réparables.