Avant la fin de son mandat, le Ministère de Ségolène Royal a publié deux rapports très attendus sur l’obsolescence programmée et l’extension de la garantie légale. Le Ministre Nicolas Hulot hérite de ces rapports gouvernementaux. Que faut-il en retenir?

L’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP) se félicite de la parution, tant attendue, du rapport gouvernemental sur l’extension de la durée de garantie légale. Il semblerait que la France ait bien pris la mesure de l’importance d’un allongement de la durée de vie des produits, face à une obsolescence accélérée des biens. Le Gouvernement rappelle son volontarisme pour relever ce défi, qui a été officiellement reconnu depuis la loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 aout 2015. Les impacts écologiques pour le climat et la gestion des déchets sont alarmants et l’obsolescence accélérée appelle des réponses concrètes pour enrailler le problème.

Le Gouvernement reconnait également que l’extension de la durée de garantie est susceptible de générer à terme un allongement de la durée de vie des produits dans une logique d’économie circulaire, mais également d’améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs et participer au développement du secteur de la réparation, confortant là les hypothèses des associations.

Un rapport… hors-sujet

Toutefois, HOP regrette que le rapport soit passé à côté de son objet central : étudier l’opportunité de l’extension de la durée de garantie légale de conformité de deux à cinq ans, voire à dix ans. Si les pistes complémentaires du document pour améliorer la durée de vie des objets sont tout à fait intéressantes, il n’en reste pas moins qu’elles sont relativement hors-sujet. La mission du Gouvernement, sur ce rapport, a été éludée, avec comme prétexte que les études économiques précises sur les impacts de cette mesure sont insuffisantes. C’est pourtant exactement ce que l’on attendait du Gouvernement –et non synthétiser les études existantes-, à se demander pourquoi la parution du document a enregistré un tel retard …

Nous aurions aimé pouvoir lire une étude sérieuse sur le sujet, qui dépasse les estimations des associations ou des industriels et distributeurs, connaître des chiffres précis sur les impacts potentiels économiques, écologiques et sociaux, d’une extension de la garantie, quitte à n’étudier que « certaines catégories ciblées de produits », tel que demandé par le législateur.

Si les associations (et les industriels) sont capables de fournir des chiffres (1 à 3% d’augmentation du prix du bien pour une extension à 5 ans), pourquoi pas le Gouvernement ?

D’autant que le délai de présomption de la garantie légale de conformité est passé de 6 à 24 mois depuis le 18 mars 2016. Aussi avec un an de recul, nous aurions pu connaître le retour d’expérience de l’évolution des prix pour un accroissement de la durée de garantie «  effective » sur 18 mois et l’estimer sur 5 ans, voire 10 ans.

L’échelle européenne : un mauvais alibi

Le rapport cherche à s’en tirer par une pirouette bien classique : seul l’échelon européen est pertinent pour étudier l’opportunité d’une extension de la durée de garantie légale de conformité harmonisée.

Ce prétexte est écarté par un élément qui est répété à deux reprises dans le document : d’autres états européens ont mis en place des durées de garantie plus longues, à savoir 3 ans en Suède, 5 ans en Ecosse, 6 ans en Irlande, Angleterre, Pays de Galle, Irlande du Nord, tandis que l’Islande, la Finlande, la Norvège et les Pays bas proposent une garantie variant selon les types de produits (avec un minimum de 2 ans pour tous). Si d’autres pays de l’Union garantissent déjà leurs produits pendant 3, 5, 6 ou 10 ans, pourquoi la France ne pourrait-elle pas étudier l’opportunité d’en faire de même ?

Il semble d’ailleurs tout à fait regrettable d’avoir refusé d’étudier la question au niveau national, car les consommateurs français n’ont certainement pas les mêmes attentes que d’autres en Europe étant donné les différences culturelles entre chaque Etat, tandis que les problématiques industrielles et commerciales ne se posent pas dans les mêmes termes selon les pays : en France, la place de la grande distribution est particulièrement prépondérante, et il existe des fonds français spécifiques (crédit d’impôt recherche, fonds d’investissement d’avenir) qui peuvent faciliter les démarches d’éco-conception et l’accompagnement vers d’autres modèles innovants pour les entreprises.

Aussi, considérer que ce sujet doit être étudié seulement par l’Union Européenne, c’est mépriser le tissu économique local et les différences culturelles au sein d’un continent diversifié. Si une étude au niveau du marché européen est certes nécessaire, elle s’inscrirait en complémentarité à celle qu’aurait dû mener le Gouvernement, afin de pouvoir avancer sur la question, en connaissance de cause.

Outre ce travail bâclé sur l’enjeu essentiel du rapport, les autres mesures proposées vont globalement dans le bon sens.

Une garantie légale mieux appliquée

HOP soutient la proposition 1 visant à renforcer l’information du consommateur sur l’existence d’une garantie de 2 ans sur les produits. L’association a déjà proposé des mesures allant dans le même sens et se réjouit de constater la volonté du Président Emmanuel Macron de mettre en œuvre l’une d’entre elles à savoir la mise en place d’un dispositif de plainte auprès de la DGCCRF pour non application des droits à la garantie afin de faciliter le travail de contrôle et d’application de la réglementation par l’administration.

Nous pensons, comme le Gouvernement, que les relations entre fabricants et distributeurs doivent être équilibrées. La garantie légale devrait aussi peser sur les fabricants, toutefois, le vendeur doit rester responsable vis-à-vis du client. En effet, si les distributeurs doivent être mieux protégés dans leur relation contractuelle avec les fabricants, le client ne peut être renvoyé systématiquement vers le fabricant, parfois difficile d’accès pour le consommateur. Le vendeur reste responsable des produits qu’il vend à ses clients, dans une relation de proximité.

Un droit à la réparation plus accessible

Nous cautionnons toutes les mesures allant dans le sens de la réparation des biens, ayant nous même proposé une TVA réduite sur les activités de réparations.

La réparation est aujourd’hui limitée par le prix, mais également par le manque de services adaptés. Nous nous réjouissons de lire que le Gouvernement a pris en compte cette dimension sociale en proposant le remplacement d’un produit en train d’être réparé. Nous ne voyons pas, néanmoins, ce qui empêche le législateur d’agir, sans attendre que l’Union Européenne s’empare du sujet.

Rappelons que c’est bien la France, en étant pionnière sur la reconnaissance du délit d’obsolescence programmée, qui a incité les parlementaires européens à se saisir du sujet : les initiatives locales des Etats membres justifient que l’Union s’en empare. Le principe de subsidiarité est prioritaire.

Les propositions allant dans le sens de l’affichage de la disponibilité des pièces détachées vont, selon nous, dans le bon sens afin de renforcer la transparence. Evoquons néanmoins deux compléments sur ce point : d’une part, le distributeur pourrait inscrire « aucune assurance sur la disponibilité des pièces détachées » (tel que le propose le Gouvernement), mais seulement dès lors qu’il peut justifier avoir réclamé les informations auprès du fabricant. D’autre part, afin que l’affichage de la disponibilité des pièces détachées soit efficient, il suffit selon nous de modifier le décret et non pas la loi. Certes, modifier la loi serait positif afin de préciser définitivement ses termes, mais cette procédure est longue et difficile, alors qu’une modification du décret est suffisante pour éclaircir la volonté initiale du législateur et préciser les obligations des vendeurs et fabricants, concernant l’affichage et la disponibilité. C’est l’objet du recours émis par HOP et UFC auprès du Conseil d’Etat. De surcroît, Emmanuel Macron s’est engagé à modifier le décret afin de préciser que la loi vise à réclamer l’affichage de la disponibilité des pièces, dans les deux cas : qu’elles existent ou pas, afin de donner au client les éléments d’informations dont il a besoin pour faire un choix éclairé.

En conclusion, le rapport démontre donc un réel volontarisme pour allonger la durée de vie des produits, grâce à l’information au consommateur et le développement de la réparabilité, mais élude complètement l’objet principal qui lui était donné d’étudier : l’opportunité d’étendre la garantie légale de conformité, sans laquelle les clients sont mal protégés contre l’obsolescence des produits. La stratégie du Gouvernement consiste vraisemblablement à reporter toute la responsabilité de l’obsolescence programmée  sur le consommateur, malgré le fait que, si nous avons bien le pouvoir de mieux choisir en possédant l’information pertinente, les industriels et distributeurs sont aussi –et surtout- concernés ; ils ne peuvent être systématiquement exemptés de toutes incitations réglementaires allant dans le sens de l’allongement de la durée de vie. Nous comptons désormais sur Nicolas Hulot pour s’emparer pleinement de ce sujet pendant son mandat!

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