L’article 8 de la loi consommation (2014) prévoyait que « dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’obsolescence programmée, sa définition juridique et ses enjeux économiques ». Le rapport tant attendu est enfin paru, avec un état des lieux précis, des explications claires, des propositions encourageantes mais encore trop superficielles à notre goût…

Nous nous félicitons que le Gouvernement déclare que l’allongement de la durée de vie des produits constitue un réel levier pour diminuer la consommation de matière et les impacts environnementaux associés à l’exploration de ces matières, à la production de produits manufacturés et à la gestion des déchets qui en résultent.

Notons toutefois que ce rapport, publié en avril 2017, a manifestement été rédigé depuis longtemps sans avoir été actualisé, de manière à être –pour partie- déjà obsolète au moment de sa publication : il propose plusieurs chantiers, dont certains ont déjà été mis en œuvre depuis plus d’un an… ce qui éveille notre curiosité quant aux raisons de sa séquestration, en contradiction avec les délais prévus par la loi.

Parmi les propositions faites, celle qui nous parait la plus importante est d’ « agir sur la conception des produits pour favoriser leur réemploi et faciliter leur réparation, et soutenir le développement des réseaux de réemploi, de réparation et de promotion de la réutilisation » (proposition 3). En effet, le rapport ne nie pas que « de plus en plus de produits sont conçus en un seul bloc […] [ce qui rend] le démontage et la réparation difficiles, voire impossibles. [De plus] les critères de qualité actuels intègrent peu la durée de vie. » Nous nous réjouissons de voir ceci écrit dans un rapport officiel. Cependant, selon le rapport, « caractériser explicitement un cas « d’obsolescence programmée » est difficile », et les cas d’obsolescence indirecte (impossibilité de réparer), d’obsolescence fonctionnelle et d’obsolescence d’évolution « ne relèvent pas d’une manœuvre active et volontaire de la part d’un producteur ».  Nous considérons toutefois que ces considérations issues du groupe de travail du CNC ne sont pas justifiées : l’obsolescence programmée inclut l’obsolescence logicielle, matérielle et psychologique.  La loi n’exclut pas ces types : l’esprit du législateur prévaut sur les interprétations du CNC, dont les intérêts représentés ne sont pas explicités dans le rapport du Gouvernement… Ainsi l’obsolescence de type indirecte (visant à rendre irréparable un produit), fonctionnelle ou d’évolution ne peut être si facilement exclue de la définition juridique. Tel que décrit dans le rapport, l’obsolescence programmée pourrait être vidée de son sens. Seul le juge pourra interpréter ce qu’il considère être de l’obsolescence programmée, punissable par la loi, en fonction du faisceau d’indices porté à sa connaissance. Il est par ailleurs regrettable que le rapport omette d’évoquer l’obsolescence logicielle, alors que c’est l’enjeu principal des prochaines années.

Le rapport détaille également un point très important : l’asymétrie d’information. Quand un consommateur ne connaît qu’en partie la qualité d’un produit (alors que le fabricant en a une parfaire connaissance, d’où l’asymétrie), il aura tendance à acheter le moins cher. Il n’est en effet pas certain que la hausse de la qualité du produit vaille le surcoût. Par ailleurs l’accès à ces informations peut demander du temps et/ou des connaissances spécifiques (le rapport définit le « coût d’opportunité »), d’où la nécessité d’un accès facile et fiable à l’information. De plus, le rapport décrit très bien « l’absence d’internalisation des externalités négatives » : le coût environnemental et la quantité de matière consommée devraient être pris en compte dans le prix du produit. Ceci pour encourager la réparation côté acheteur en la rendant plus attractive financièrement, et pour favoriser le développement de la vente de l’usage du bien côté producteur. Ainsi, la proposition 4, qui est d’ « encourager les entreprises à poursuivre le développement des nouveaux modèles économiques permettant l’allongement de la durée de vie des produits et/ou leur intensification d’usage, dont les modèles d’économie de la fonctionnalité et d’économie du partage, et poursuivre leur accompagnement et leur soutien par les pouvoirs publics » est également une proposition que nous soutenons ! Le rapport ajoute une conclusion qui nous parait extrêmement importante : « sur le plan macroéconomique, l’augmentation de la durée de vie et de la qualité des produits pourra créer des emplois en Europe et participer à la sortie de crise [grâce aux secteurs de la location et de la réparation] ».

La proposition 5 « Mettre en place, sous l’égide du ministère en charge de l’environnement et sur la base du volontariat des metteurs sur le marché, des expérimentations sur un nombre limité de produits, consistant en l’affichage de la durée de vie de ces produits. En tirer les conséquences en termes de normes partagées par les acteurs économiques des filières concernées, sur la notion de durée de vie, et en termes d’amélioration de l’information des consommateurs » suit cette dynamique, avec, cette fois-ci, une proposition très concrète et bénéfique.

Le rapport évoque également « la pertinence de l’allongement de la durée de garantie légale pour certaines catégories de produits » (proposition 6). Nous traitons ce sujet dans un autre article. Il renvoie également aux travaux de la Commission Européenne sur le sujet (proposition 7).

Ce rapport s’inscrit dans cette dynamique de transition et nous nous en réjouissons. Il insiste sur la nécessité de l’allongement de la durée de vie des produits, tant sur le plan économique que social et environnemental. Il reste cependant assez flou, et propose peu d’actions concrètes.  Les bases sont posées, il faut maintenant prendre les mesures qui vont avec !

 

Camille Fabacher

 

 

 

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