Libération publie la tribune de Laetitia Vasseur, Présidente et cofondatrice de HOP//Halte à l’obsolescence programmée.
Apple sort vendredi son dernier smartphone, un nouvel objet conçu pour ne pas durer. Le renouvellement perpétuel des produits orchestré par les industriels est aussi nuisible pour la planète que pour le porte-monnaie. Comment combattre l’obsolescence programmée ?
Design révolutionnaire, encore plus rapide, 3D touch… Le nouvel iPhone 6S a tout pour plaire. Seul bémol, il sera obsolète dans dix-huit mois, soit la moyenne à laquelle les Français changent de smartphones, voire dans seulement neuf mois pour les Parisiens. Entre 749 euros et 1049 euros, soit le prix d’un loyer pour certains, autant y réfléchir à deux fois…
Mais que deviennent alors tous les anciens modèles, à peine sortis, déjà mort-nés ? Recyclés, revendus ou tout simplement jetés, ces téléphones accumulés contribuent à la raréfaction des terres rares, à la surconsommation d’énergie et à la pollution des sols, des eaux ou de l’air. Les téléphones portables peuvent contenir jusqu’à 12 métaux différents à hauteur de 25 % du poids total des appareils. A ce rythme, nous pourrions voir les réserves de cuivre, plomb, nickel, argent, étain et zinc s’épuiser d’ici trente ans.
La rareté des matières premières entraînant la hausse des prix, le prochain iPhone sera donc plus cher, c’est mécanique. Cette réalité écologique nous interroge sur notre responsabilité de consommateur. Dans ces conditions, le meilleur iPhone est certainement celui que l’on n’achète pas.
Mais le renouvellement perpétuel des produits n’est pas seulement le fruit du désir. Il est également orchestré par les industriels qui fabriquent des produits conçus pour être jetés : ça s’appelle l’obsolescence programmée. Tout le monde en a fait l’amère expérience : la batterie ou la mémoire interne inchangeable, la nouvelle mise à jour logicielle trop gourmande pour le téléphone qui ralentit tellement qu’on ne peut plus l’utiliser, l’ancien câble dont le connecteur n’est plus adapté…
Alors que tous les objets du quotidien (machines à laver, réfrigérateurs, télévisions, imprimantes, ordinateurs, voitures, meubles, etc.) sont conçus pour ne pas durer, sommes-nous vraiment face à une impasse ? Ne pouvons-nous pas réagir ?
Depuis la loi sur la transition énergétique de juillet 2015, le législateur a amorcé un changement : la reconnaissance du délit d’obsolescence programmée. En quoi cela va-t-il changer les choses ? Nous avons désormais la capacité de nous regrouper pour agir en justice grâce aux recours collectifs, afin que ces pratiques ne restent pas impunies. L’inscription dans la loi du délit d’obsolescence programmée est une première étape, capitale, pour combattre ces pratiques à la fois nuisibles à la planète et à notre portefeuille.
Mais nous ne pouvons pas en rester là. Il s’agit de repenser notre modèle économique pour en finir avec le gaspillage organisé et rendre son droit au consommateur à des produits durables et de qualité. Des solutions normatives simples et concrètes doivent être mises en œuvre rapidement : étendre les garanties, mettre à disposition les pièces détachées ou encore rendre l’information sur les produits obligatoire.
Le pouvoir de changer les choses n’est pas seulement entre les mains du législateur ou des industriels, mais à portée de tous. Des alternatives existent d’ailleurs déjà. Des entrepreneurs et associations innovent dans des produits durables ou réinventent la façon de consommer, comme Back Market, qui reconditionne à l’état neuf des produits de seconde main, Share Voisins, qui facilite le prêt gratuit entre voisins, les Repair Cafés, Spareka ou le site Commentreparer.com, qui vous aident à réparer vos produits… et tant d’autres. Les idées ne manquent pas pour mettre fin au système absurde du gaspillage. Alors qu’attendons-nous pour dire «halte à l’obsolescence programmée» ?