Le 30 août dernier, la Commission européenne a publié un nouveau volet de son plan d’action pour l’économie circulaire : le projet de règlement sur l’éco-conception des smartphones et tablettes, accompagné d’un texte portant sur l’affichage obligatoire d’éco-critères (une étiquette énergie et un indice de réparabilité notamment). Un texte crucial donc, mais qui doit aller plus loin. HOP presse la Commission d’approfondir certains aspects-clés de ce texte afin d’obtenir à des appareils réellement durables et réparables.

Un projet attendu en Europe pour des smartphones et tablettes durables

La transition vers une économie neutre en carbone en 2050 ne se fera pas sans que chaque secteur économique s’engage sur une trajectoire de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre. Fin août, la Commission européenne a présenté deux propositions de règlements concernant les téléphones portables et tablettes. Ils visent à :

  • concevoir des appareils plus durables et économes en énergie (via la mise en place de critères minimums d’éco-conception) ;
  • renforcer et rendre obligatoire l’information des consommateurs sur ces produits.

Une fois adoptés, ces règlements s’appliqueront à l’ensemble des produits concernés, en l’occurrence les téléphones portables et tablettes, qui seront vendus sur le marché européen.

Un secteur polluant à transformer

Si la Commission veut mieux encadrer la conception des smartphones et tablettes, c’est en raison de l’empreinte environnementale que représentent ces appareils. En effet, leur impact se concentre pour 3⁄4 lors de leur production. Or, nous consommons de plus en plus de téléphones et tablettes que nous gardons en moyenne seulement 2 ans. Dans le même temps, leurs fonctionnalités sont de plus en plus nombreuses. Tout ceci engendre une hausse exponentielle de la consommation d’énergie et de ressources. Il devient donc urgent de réduire le nombre d’appareils produits en diminuant leur fréquence de renouvellement.

Paysage urbain avec une usine en arrière-plan

Le numérique est un secteur très polluant, notamment à cause de l’impact environnemental des millions d’appareils qui sont fabriqués chaque jour (©Marcin Jozwiak)

C’est le but de cette régulation européenne qui vise à favoriser une meilleure utilisation des ressources. Pour cela, elle compte éviter l’obsolescence prématurée et favoriser la réparabilité, la fiabilité des produits et de leurs composants (comme les batteries), ainsi que leur recyclabilité. Mais elle le fait sans toutefois s’engager clairement sur la voie de la sobriété.

Les propositions de la Commission pour des téléphones et tablettes durables

C’est une évidence : malgré les initiatives françaises sur la réparabilité, une réglementation européenne est indispensable pour entraîner un changement massif. Avec un marché de 500 millions de consommateurs, l’Union européenne peut imposer des exigences minimales sur la conception des appareils, et ainsi entraîner un changement profond dans les pratiques des fabricants. Avec ce texte, ces derniers seront tenus de respecter des critères minimums quant à la fiabilité, la résistance, l’endurance ou encore la réparabilité de leurs produits. Ils devront aussi offrir des informations pertinentes aux consommateurs pour pouvoir vendre leurs produits sur le marché commun.

Voici une liste des mesures à retenir sur…

La durabilité des appareils :

La Commission exige de la part des fabricants, un certain nombre de critères minimums pour que leurs appareils soient vendus sur le marché. Par exemple, une endurance en cycles minimale des batteries (conserver 80% de la capacité initiale après 500 cycles de charge), une certaine résistance aux chocs (aucune altération des performances après 100 chutes), à la poussière (résister aux poussière supérieures à 1mm), à l’eau (résister aux projections d’eau) et aux rayures.

La réparabilité des appareils :

La disponibilité des pièces détachées doit être garantie (pendant 5 ans pour une quinzaine de pièces), tout comme l’accès aux informations de démontage et la possibilité de remplacer des batteries peu performantes. La Commission souhaite également que les réparations se fassent principalement chez un réparateur professionnel, même si quelques opérations comme le changement de batterie peu endurante pourront se faire de chez soi. Le recours à des pièces soudées entre elles est limité à quelques exceptions.

Les aspects logiciels :

La Commission prévoit une obligation de disponibilité de 5 ans pour les mises à jour de sécurité, et de 3 ans pour les mises à jour évolutives. Elle prévoit également que le fabricant mène des tests de performance suite à la mise en place de ces nouvelles mises à jour. Le but est de rendre obligatoire la publication d’une version corrective si la mise à jour fournie altère les performances de l’appareil.

Des mains qui utilisent un smartphone dans l'obscurité

La Commission prévoit une obligation de disponibilité de 5 ans pour les mises à jour de sécurité, et de 3 ans pour les mises à jour évolutives (©Limon Das)

L’information du consommateur :

Bruxelles exige que les consommateurs bénéficient d’informations transparentes et comparables entre les modèles de smartphone ou de tablette, sans oublier l’étiquette énergétique. Pour cela, un indice de réparabilité comparable à l’indice français doit être créé. Ce sera également le cas d’un indice de résistance aux chutes et de deux scores d’endurance de la batterie. Le premier sera relatif à l’autonomie de la batterie par cycle de charge, tandis que le second renseignera sur le nombre estimé de cycles de recharge avant que les performances de la batterie n’atteignent 80% de la capacité initiale. Ces indices doivent permettre d’éliminer du marché les produits les moins durables et d’orienter les consommateurs vers les produits mieux notés.

Il est temps de changer la donne : HOP demande à la Commission d’aller plus loin

HOP salue ce projet de règlement qui était absolument nécessaire pour la durabilité et la réparabilité des smartphones et tablettes. Néanmoins, l’association déplore que certains aspects du texte laissent encore la possibilité aux fabricants de limiter la réparation de leurs appareils. C’est problématique car cela affaiblit fortement sa portée. Afin d’engager la Commission à aller plus loin, HOP a transmis ces éléments dans une contribution publique.

L’absurde opposition entre durabilité et réparabilité pour les batteries

Sur les batteries, HOP regrette que le texte actuel oppose durabilité et réparabilité. La Commission l’a dit : les batteries devront conserver une capacité d’au moins 80% après 500 cycles de charge. En plus de cela, elles devront être amovibles et remplaçables par n’importe qui… SAUF si elles sont plus durables.

En d’autres termes, si une batterie affiche une capacité restante d’au moins 80% après 1000 cycles de charge, elles n’auront pas besoin d’être amovibles et remplaçables. Le diable se cache dans les détails.

Aujourd’hui, des fabricants de téléphones proposent déjà des batteries amovibles avec de telles performances. HOP demande à ce que soit levée cette exception et que le critère de performance minimale soit relevé à 80% de capacité après 1000 cycles de charges et non 500 (ce qui équivaut à une espérance d’un an et demi seulement sur la base d’un cycle de charge par jour).

Les pièces détachées à la peine

Concernant la réparabilité, HOP déplore que la disponibilité des pièces détachées soit limitée aux réparateurs professionnels. Ce point est d’autant plus problématique qu’il reviendrait aux fabricants de déterminer qui est réparateur professionnel et qui ne l’est pas. A ce stade, seuls l’écran, la coque arrière, le support de la carte SIM et la batterie (sauf exception listée plus haut) seraient accessibles aux utilisateurs finaux, sans que des raisons valables soient avancées pour cela. HOP demande donc à la Commission de revoir sa copie.

Femme assise à une table, utilisant sa tablette

HOP déplore que la disponibilité des pièces détachées soit limitée aux réparateurs professionnels (©RF._.studio)

Par ailleurs, bien que des règles intéressantes soient édictées concernant la facilité de remplacement des pièces, HOP appelle à quelques clarifications supplémentaires concernant les fixations et les outils nécessaires.

Une mesure prévoit en outre que les fabricants auront à communiquer un prix maximum indicatif pour leurs pièces. Une bonne idée en apparence. Sauf que cette mesure ne sera nullement contraignante, réduisant fortement sa portée. A minima HOP appelle à ce que le prix soit pris en compte dans le calcul de l’indice de réparabilité, ce qui n’est pas prévu par la Commission européenne.

L’absence notable des pratiques de pairing et de sérialisation

Autre point faible du texte, HOP regrette que les pratiques de pairing et de sérialisation de pièces détachées, et plus largement de verrou logiciel au remplacement de pièces, ne soient pas clairement identifiées et bannies.

Ainsi, nous demandons à la Commission que tous les verrous logiciels soient levés lors du remplacement des pièces par des réparateurs qu’ils soient agréés ou non, et qu’à minima ces pratiques soient strictement circonscrites aux pièces sensibles vis-à-vis des données utilisateurs. D’ailleurs, la question de l’usage de pièces génériques n’est pas non plus abordée dans le texte.

La question urgente des mises à jour

L’obsolescence logicielle est aujourd’hui un frein important à la durabilité des smartphones et tablettes. Si la Commission a bien identifié ce problème, le remède proposé risque d’être un coup d’épée dans l’eau. En effet, pour HOP, il faut que les fabricants soient contraints de fournir des mises à jour veillant à la conformité du bien pendant au moins 5 ans, voire 7 idéalement, et non simplement de laisser accessibles pendant une période de temps les mises à jour existantes.

HOP suggère d’ailleurs que les mises à jour de conformité et de fonctionnalités soient dissociées. Cela aurait pour but de distinguer les mises à jour corrigeant les bugs et les failles de sécurité (mises à jour de conformité) des mises à jour proposant de nouvelles fonctionnalités logicielles (mises à jour de fonctionnalité). Ceci permettrait au consommateur de garantir la sécurité de son appareil sans que de nouvelles fonctionnalités dont il n’aurait pas besoin n’altèrent les performances de l’appareil.

Le point faible de l’indice de réparabilité européen

Concernant l’indice de réparabilité proposé, comme indiqué plus haut, HOP regrette fortement que le prix des pièces détachées ne soit pas pris en compte dans les critères (contrairement à la méthode de l’indice français). Il s’agit pourtant d’un facteur primordial. HOP a par ailleurs suggéré quelques ajustements sur les critères proposés, inspirés de son retour d’expérience de l’indice de réparabilité.

Si HOP salue les avancées de ce texte, l’association espère que sa contribution sera entendue. HOP appelle donc la Commission européenne, ainsi que les Etats membres qui devront adopter le texte via le Conseil de l’UE, à s’entendre sur un texte plus ambitieux, alliant durabilité et réparabilité. L’allongement de la durée de vie des appareils électroniques est un enjeu crucial de la transition écologique, qui ne peut plus être ignoré.

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