Le délit d’obsolescence programmée est défini et réprimé par un nouvel L. 441-2 du Code de la consommation.
Il se définit par l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement.
Les associations de défense des consommateurs se sont félicitées de ce premier pas ferme et novateur accompli par le législateur. Cependant, certains raillent cette avancée en arguant de l’inapplicabilité et de l’inutilité de ce délit.
Rien n’est plus faux.
L’introduction de ce délit a tout d’abord une véritable valeur symbolique. Il montre que notre pays entend sortir de la société de surconsommation dont l’obsolescence programmée en est la plus absurde illustration.
Mais au-delà de sa valeur symbolique, il s’agit d’un véritable outil juridique pour permettre de lutter contre l’obsolescence programmée.
Tout d’abord, l’obsolescence programmée est un délit de masse à l’origine d’autant de préjudices que d’unités produites. Révélant un manquement du fabricant à « ses obligations légales » à l’occasion « de la vente d’un bien », ce délit répond aux conditions de déclenchement d’une action de groupe (art. L. 423-1 c. consom.) et se prête donc particulièrement à fonder une telle action en vue d’obtenir réparation de préjudices individuels subis en masse par des consommateurs.
Ensuite, ce délit aura une vertu principalement dissuasive et donc extrêmement utile. Par exemple, l’ingénieur à qui il sera demandé, à coût égal, de privilégier tel matériau réputé plus fragile, pourra s’y opposer sur le fondement de ce délit. De la même manière, les dirigeants qui seraient tentés de recourir à de telles pratiques réfléchiront à deux fois avant de donner une instruction écrite en ce sens au risque de fournir une future preuve. Ils seront obligés de passer par des subterfuges, mais même comme cela, ils laisseront nécessairement des traces qu’une enquête pourra révéler. Prévoir l’obsolescence programmée d’un produit nécessite d’impliquer de nombreuses personnes à tous les étapes de la production du produit, de la conception à la fabrication. Ces personnes seront autant de témoins potentiels et gênants.
Cela amène naturellement à se poser la question de la preuve du délit. En effet, au moment des débats parlementaires et après son adoption, des voix se sont élevées pour dénoncer la difficulté de prouver que le fabricant a sciemment réduit la durée de vie de l’équipement. Comment prouver que tel fabricant de sèche-cheveux ou de lecteurs DVD a volontairement limité leur durée de vie, en y intégrant une pièce les rendant inutilisables au bout de deux ans ?
La réponse n’est pas si complexe que cela.
Tout d’abord, comme on l’a vu, les faits pourront être révélés par des personnes internes à l’entreprise ou par d’anciens salariés passés à la concurrence. C’est très souvent le cas en matière de délit fiscaux, d’abus de bien sociaux ou de délit d’initié qui sont extrêmement complexe. En quoi serait-il plus difficile de prouver qu’un dirigeant a opté pour une mise à jour logiciel en sachant que cela rendrait obsolète des modèles anciens que de prouver la réalisation d’opérations financières internationales complexes destinées à manipuler le cours d’une action ? Pourtant, régulièrement des condamnations sont prononcées dans ce dernier cas. Gageons qu’il en sera de même pour le délit d’obsolescence programmée.
Par ailleurs, si le mécanisme de blocage ou de diminution de la durée de vie du produit est contenu dans un code information – par exemple le blocage injustifié d’une imprimante au bout d’un certain nombre de copie – alors les informaticiens pourront très probablement l’identifier, renversant ainsi la charge de la preuve sur l’entreprise qui devra expliquer en quoi ce n’est pas de l’obsolescence programmée.
Enfin, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) est munie de véritables pouvoirs d’investigation, renforcés par la loi Hamon de 2014, et d’un personnel compétent pour révéler ce délit et le dénoncer au Procureur. Ce dernier pourra en outre commettre des experts capables de démontrer que tel ou tel choix industriel ne peut être justifié par d’autres raisons qu’une volonté de réduire intentionnellement la durée de vie du produit.
Le rôle des associations de défense des consommateurs est également clé. Non seulement elles peuvent recueillir les alertes, mais elles seront aussi à la manœuvre pour déclencher les actions de groupe et peuvent se porter partie civile dans le cadre d’une action pénale. Ces associations possèdent une grande expérience et des gens qualifiés pour aider les autorités d’investigation. On peut leur faire confiance pour jouer leur rôle.
On le voit, le délit d’obsolescence programmée a de beaux jours devant lui.
Emile Meunier, avocat