Chapo : À l’occasion du colloque organisé à l’Académie du Climat pour le lancement de l’édition 2025 des Journées Nationales de la Réparation (JNR), HOP a réuni des expert·es autour d’une deuxième table ronde centrée sur la dimension territoriale de la réparation.
Animée par Joël Ntsonde, enseignant-chercheur à l’ISTEC (institut supérieur des sciences techniques et économie commerciales), cette table ronde intitulée “Territorialiser la réparation : stratégie locale et coopération d’acteurs’’ regroupait des intervenant·es issu·es de diverses sphères :
- Victor BAYSANG-MICHELIN – Chargé de plaidoyer, Emmaüs Connect
- Geneviève BRANGE – Présidente de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat Charente, Présidente de la Commission Développement Economique et Territoriale de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat France
- Elsa CHASSAGNETTE – Responsable Fonds de Réparation, Refashion
- Cathy EXCOFFIER – Directrice Déléguée RSE, Orange France
- Maud SARDA – Co-fondatrice et Directrice, Label Emmaüs
La réparation : une activité nécessairement ancrée dans les territoires
Le maillage territorial des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) constitue, selon Maud Sarda (Co-fondatrice et Directrice du Label Emmaüs), un terreau vivace. Il représente un grand potentiel à mettre à profit pour développer des filières plus ambitieuses de réparation et de reconditionnement sur le territoire.
Alors que 36 % de la population française rencontre un frein dans son accès à internet, les filières de réemploi solidaire cherchent à aller au plus près des individus, et à favoriser le circuit court. D’abord, parce que leurs activités sont à destination des publics en difficulté avec le numérique, il est primordial que ces structures disposent de lieux physiques d’accueil et d’accompagnement à proximité. Par ailleurs, l’idée, selon Victor Baysang-Michelin (Chargé de plaidoyer, Emmaüs Connect), est dans la mesure du possible de collecter, reconditionner, et redistribuer les équipements sur le même territoire. Cela permet à la fois de favoriser des emplois non délocalisables de reconditionnement, de réduire l’impact carbone lié aux transports, et de donner du sens pour les donateur·ices d’équipements.
Au-delà du réemploi solidaire, la réparation doit être un service de proximité, afin qu’elle s’inscrive comme un réflexe chez les consommateur·ices.
Comment renforcer la filière du réemploi et de la réparation ?
Elle précise que si la mode de la consommation responsable prend de l’ampleur, la norme est toujours à la surconsommation, avec un secteur du réemploi et de la réparation insuffisamment structuré vu les enjeux.
Dans les solutions évoquées, la directrice de Label Emmaüs souligne la nécessité de soutien public au secteur de l’ESS, qui représente 14% de l’emploi privé et reçoit seulement 7% des aides. Le secteur de l’ESS “a besoin d’investissements à la hauteur de son potentiel”.
L’un des premiers freins à la réparation des textiles et chaussures est, selon Refashion, le manque de connaissance du réseau des réparateurs autour de chez soi. L’un des enjeux majeurs est de visibiliser les compétences et la finesse du maillage territorial. Le bonus réparation devient alors un outil de proximité entre artisans et consommateur·ices. Pour Elsa Chassagnette (Responsable Fonds de Réparation pour Refashion), les éco-organismes doivent s’appuyer sur de nombreux acteurs pour faire connaître les lieux de réparation et ancrer la pratique chez les consommateur·ices : les fédérations, les collectivités territoriales, les chambres d’artisanats (CMA), les associations, la presse régionale, etc.
Pour aller encore plus loin dans la coopération, une autre piste soulevée par Maud Sarda consisterait à favoriser les alliances, par exemple entre grands groupes et acteurs de l’ESS, à l’image de la joint venture entre Seb et Ares. Victor Baysang-Michelin souligne néanmoins le risque pour les structures de l’ESS de voir les parts de marchés et gisements captés par des entreprises à but lucratif. Les collectivités, qui peinent à remplir leurs objectifs de réemploi (notamment fixés par la loi AGEC), pourraient aussi sécuriser les investissements, et permettre à ces initiatives de passer à l’échelle.
L’importance d’un encadrement fort des pratiques
Cathy Excoffier (Directrice Déléguée RSE, Orange France) souligne enfin le besoin de rééquilibrer la concurrence par la réglementation, par exemple en instaurant une taxe verte européenne pour rendre le reconditionné plus attractif. D’ailleurs, comme le rappelle Maud Sarda, la coopération ne suffit pas : il faut un encadrement fort des pratiques, afin d’éviter que de grands acteurs privés ne fassent obstacle à l’économie circulaire. Par exemple, Victor Baysang-Michelin évoque la fin des mises à jour de Windows 10 par Microsoft, qui a donné lieu à une grande mobilisation, où 50 000 personnes ont dit “Non à la Taxe Windows”. Portée par une coalition de 22 organisations coordonnée par HOP, cette campagne demande l’encadrement pour endiguer durablement l’obsolescence logicielle : l’obligation de mises à jour logicielles pendant 15 ans à minima, et d’information des utilisateur·ices sur les logiciels libres.
Cette table ronde a permis de souligner l’importance de l’ancrage territorial, des alliances entre acteurs, et de l’indispensable prérequis de l’encadrement des pratiques, pour favoriser l’accès à la réparation et au réemploi. Les Journées Nationales de la Réparation, co-organisées depuis 3 ans par HOP en octobre avec la Fondation Make.org, contribuent à vivifier cet écosystème.