Passée la date butoir, les mises à jour de Windows 10 seront payantes, pour les particuliers comme pour les structures. Microsoft invite les utilisateur·ices à migrer vers Windows 11, ce qui est impossible pour 400 millions d’ordinateurs dans le monde. Ces machines, dont certaines ont moins de 5 ans, pourraient donc être remplacées prématurément.
des ordinateurs en France fonctionnent sous Windows 10 et sont incompatibles avec Windows 11 au printemps 2025.
Les structures publiques, comme les collectivités territoriales, les écoles, les administrations, se retrouvent, comme les particuliers, tiraillées entre le coût du sursis ou le coût du passage à Windows 11. HOP a envoyé en juin dernier un courrier à Microsoft France, pour faire part de ses inquiétudes et demander le prolongement des mises à jour gratuites de Windows 10 jusqu’en 2030.
Microsoft et nos administrations, une dépendance coûteuse
Windows a su se faire une place centrale dans nos administrations. Pour les structures concernées par la fin des mises à jour gratuites de Windows 10, deux choix sont possibles :
- Remplacer les ordinateurs incompatibles, parfois très prématurément
- Payer pour l’extension de mises à jour de sécurité, ce qui coûte l’équivalent de 52€ hors taxe par poste pour la première année. Le prix double ensuite chaque année (104€, puis 244€ par poste). Microsoft a présenté dès le départ cette option comme une solution de dernier recours : “Nous comprenons que certains d’entre vous pourraient avoir besoin de plus de temps pour passer à un nouveau PC Windows 11 ou à un PC Copilot+”. Et cela se ressent dans le coût.
- Pour certaines structures n’ayant pas les ressources nécessaires, cela suppose l’impossibilité d’assurer la cybersécurité des ordinateurs après le 14 octobre 2025.
Via son formulaire de signalement mis en place au début de l’été, HOP a pu recueillir les témoignages de diverses structures, pour la plupart souhaitant conserver leur anonymat. Pour elles, les conséquences sont protéiformes :
- Gaspillage de ressources publiques
À l’heure où sont prônées les économies budgétaires, le coût important supposé par cette taxe Windows semble absurde. Ainsi, HOP a par exemple reçu le témoignage d’un département de près d’1,5 million d’habitants, pour lequel le remplacement du matériel est estimé à 1,1 million d’euros, dont un surcoût imprévu de 550 000 €. Une entreprise de service public, qui compte payer les extensions de mise à jour pour ses 48 000 postes incompatibles, devra faire face pour la première année seulement à un coût d’environ 2,5 millions d’euros. Des sommes considérables d’argent public, à l’heure où l’État pousse aux économies. Cet argent pourrait trouver une meilleure utilité pour financer les services publics ou les associations locales, alors qu’en 2025, Microsoft a déjà enregistré près de 87 milliards d’euros de bénéfices nets.
- Perte de matériel encore fonctionnel
De nombreux ordinateurs fonctionnels devront ainsi être remplacés prématurément, et certaines structures signalent que ce passage forcé à Windows 11 met à mal leurs objectifs de transition écologique. 90 % de l’empreinte carbone et environnementale d’un ordinateur portable étant générée au moment de sa fabrication, il conviendrait en effet de les conserver le plus longtemps possible. La mise au rebu et le renouvellement prématuré des 400 millions d’ordinateurs incompatibles dans le monde pourrait supposer l’émission de plus de 70 millions de tonnes de gaz à effet de serre, et l’équivalent de 32 000 tours Eiffel en matières premières extraites. Certaines structures ont également fait le choix écologique de privilégier le reconditionné. Choix remis en cause par ce passage à Windows 11 qui va les pousser à se débarrasser de matériel fonctionnel.
- Perte de compatibilité logicielle
Avec le passage à une nouvelle version de Windows, les logiciels spécifiques utilisés par les structures publiques vont devoir évoluer. Les structures qui choisissent de payer pour des extensions de mises à jour de Windows 10 risquent de devoir faire face à une incompatibilité logicielle croissante. Les éditeurs de logiciels auront en effet aucun intérêt à développer des mises à jour compatibles avec Windows 10, dont le nombre d’utilisateur·ices sera probablement en forte baisse.
Certaines structures témoignent du coût important de formation de leurs employés aux logiciels, et craignent l’alourdissement lié au passage forcé à Windows 11.
- Ressources humaines allouées à ce changement
Des effectifs internes sont mobilisés pour gérer le passage à Windows 11, et accompagner les équipes dans l’adaptation à un nouvel environnement de travail. Une part des coûts estimés pour les structures publiques correspond à ce temps perdu, qui aurait pu autrement être destiné à l’amélioration des interfaces des services publics en ligne, la facilitation des démarches pour les citoyen·nes, etc.
Un autre horizon que celui de Windows
Par ailleurs, certaines structures interrogées soulèvent la question de la réelle utilité du passage à Windows 11, considérant que Windows 10 répond déjà parfaitement à leurs besoins. Certains soulignent la surenchère technologique, notamment via l’intégration de l’IA dans les ordinateurs, considérant de plus le coût énergétique supplémentaire que peut représenter l’utilisation de processeurs plus puissants (comme l’exige Windows 11).
Combien de temps avant que Windows 11 soit à son tour révolu, et qu’on nous pousse à renouveler nos équipements pour passer à la suite ?
Enfin, ce passage forcé à Windows 11 visibilise la dépendance des structures publiques à Microsoft, et pose pour certains la question de la souveraineté nationale au moment de subir de telles décisions des grandes firmes.
Finalement, entre continuer à utiliser Windows 10 et accepter le passage à Windows 11, aucune de ces options ne semble finalement avantageuse pour nos administrations. Certaines structures évoquent une troisième option, celle de passer à des systèmes d’exploitation libres de type Linux. Si cette option est théoriquement gratuite, elle suppose cependant un coût d’adaptation des outils et des usages potentiellement très important.
Certaines collectivités tentent dès maintenant de transitionner vers des logiciels libres, comme la ville de Lyon, qui a annoncé que 80 % de leurs postes cesseront d’utiliser Microsoft Office d’ici à 2026 au profit de Onlyoffice. Malgré cette volonté d’émancipation, la dépendance à Microsoft est une réalité qui empêche nos administrations de migrer totalement, notamment en ce qui concerne le système d’exploitation Windows.