Selon le sondage réalisé par le cabinet Occurrence – Groupe Ifop pour HOP en mars 2025, deux tiers des Français·es se disent surexposés à la publicité, et la moitié sentent parfois manipulés par les algorithmes en ligne (réseaux sociaux, cookies, etc.). La révolution numérique offre au marketing les moyens d’être toujours plus présent, et surtout de connaître toujours mieux ses cibles : on parle de ciblage publicitaire. HOP décortique ces pratiques dans son rapport traitant du marketing incitant à la surconsommation.
Publicité ciblée : quelle efficacité ?
Selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), la publicité ciblée est “une technique publicitaire qui vise à identifier les personnes individuellement afin de leur diffuser des messages publicitaires spécifiques en fonction de caractéristiques individuelles.”
Vous n’avez pas d’amis qui travaille dans la pub ? Pourtant, les publicitaires vous connaissent bien mieux que ce que vous pouvez imaginer.
Lorsque vous naviguez en ligne, chacune de vos actions peut être enregistrée par les sites que vous consultez ou les applications que vous utilisez. Ces données sont vendues à des “courtiers en données” (data brokers en anglais). Via votre historique en ligne, mais aussi des sources publiques (publications sur les réseaux sociaux, bases de données des services publics), ces courtiers en données obtiennent tout un tas d’informations sur vous : vos goûts, vos habitudes et votre historique d’achats, votre localisation, votre âge, etc. Ils peuvent en déduire tout un tas de faisceau d’indices concordant comme votre statut marital, votre niveau de formation, et même vos orientations politiques ou sexuelles, voire votre niveau de revenu. Une application comme celle de Leboncoin vend par exemple, en une seule journée, 170 000 identifiants, contenant entre autres des données de localisations.
Les courtiers en données compilent ces informations, pour créer des “segments d’audiences”, qu’ils revendent ensuite aux diffuseurs de publicité en ligne, qui les utilisent pour vous cibler. Ainsi, vous ne serez exposé·es qu’aux publicités les plus à même de vous séduire, de vous donner envie de réagir, d’acheter. Vous n’aurez bientôt plus de secrets pour les publicitaires, qui savent de mieux en mieux identifier comment vous parler, à quel moment, et pour quels produits.
Collecte de données : en sommes-nous bien conscient·es ?
Dans l’Union européenne, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) protège vos données personnelles. Leur collecte n’est possible que si vous donnez votre consentement explicite. Mais, sommes-nous toujours bien conscients d’y consentir ?
Vous avez déjà dû voir des milliers des bannières vous demandant si vous acceptez les cookies. Avez-vous déjà essayé de les refuser ? La majorité des sites ne vous faciliteront pas la tâche : ils utilisent ce qu’on appelle des “dark patterns”, ou interfaces trompeuses, vous poussant à les accepter. Par des couleurs, des formes, des tailles, des positionnements de bouton, le simple aspect visuel de ces bannières vous influence pour que vous cliquiez, au plus simple et au plus vite, sur le fameux “Tout accepter”.

Parfois, c’est la procédure même de refus des cookies qui est longue et fastidieuse, tandis que l’acceptation ne nécessite qu’un clic. Enfin, d’autres sites ou applications utilisent ce qu’on peut appeler un “cookie wall”, un mur de traceurs : si vous n’acceptez pas la collecte de vos données personnelles, vous n’aurez pas accès au service.
Le consentement, que les consommateur·ices sont censés donner en pleine connaissance de cause, est souvent octroyé via l’acceptation en bloc de conditions générales d’utilisation par exemple. Par ailleurs, pour dépasser les refus de cookies, les sites collectant des données utilisent par exemple le fingerprinting. En recoupant les spécificités de votre ordinateur ou de votre smartphone (taille de l’écran, polices installées, etc.), ils peuvent vous identifier sans avoir besoin que vous acceptiez les cookies.
Comment effacer ses traces ?
Le RGPD vous permet de demander à n’importe quelle entreprise de supprimer vos données. S’ils ne le font pas, vous pouvez envoyer un recours à la CNIL, via cette plateforme en ligne. Les courtiers en données sont aussi concernés par cette obligation. Cela peut cependant être fastidieux, au vu du nombre des entreprises impliquées. Selon l’UFC-Que Choisir, il suffit de consulter dix sites internet pour voir ses données partagées plus de 4 000 fois entre entreprises.
Le site Data Broker Watch répertorie les courtiers en données, et les procédures pour demander à être supprimé des listes de chacun. Certaines entreprises, comme PrivacyDuck ou DeleteMe, proposent un service payant pour effectuer ces procédures à la place des consommateur·ices.
Mais, si vous vous supprimez de ces bases de données sans effacer les sources de données qu’elles exploitent, les data brokers pourraient tout aussi bien vous ajouter à nouveau à leurs bases le mois prochain. Vous pouvez donc effacer les sources de données sur internet, par exemple en :
- Installant un bloqueur de publicités et/ou de cookies comme Ghostery.
- Effaçant vos données du référencement des moteurs de recherche comme Google
- Supprimant vos comptes inactifs sur les réseaux sociaux, les applications, etc. Le site justedelete.me permet d’identifier rapidement la procédure à suivre pour supprimer son compte de n’importe quel site.
- Limitant la visibilité de vos informations personnelles sur vos comptes, par exemples sur les réseaux sociaux, applications, etc.
- Contactant les sites qui hébergent vos données, vos photographies, etc. pour en demander la suppression.
- Évitant de répondre à des questionnaires en ligne et de télécharger des applications risquées.
- Refusant, quand vous le pouvez, les cookies publicitaires sur les sites que vous consultez.
- Désactivant ou effaçant régulièrement les cookies dans les paramètres de votre navigateur internet (“supprimer les données de navigation” sur Google Chrome) vous permettra aussi de limiter les traces. Cependant, cela signifiera une remise à zéro de nombreux paramètres, notamment du remplissage automatique de vos mots de passe.
Identifier des alternatives au ciblage publicitaire
À noter que le modèle économique de nombreux médias et plateformes en ligne est contraint et fondé sur cette revente de données sur les utilisateur·ices, même si ce marché reste largement déséquilibré en faveur des géants comme Meta. C’est pourquoi de nombreux sites d’informations utilisent des “cookies wall”, en vous demandant de souscrire un abonnement payant si vous refusez les traceurs. Dans son rapport traitant du marketing poussant à la surconsommation, HOP demande donc la mise en place d’une réflexion collective sur les modèles économiques reposant sur le ciblage publicitaire et la revente de données, afin de commencer à identifier des alternatives.